cependant leurs adversaires, les rigoristes extrêmes ? Molinistes et jansénistes, il les marque au vif d’un trait perçant et profond : « Deux maladies dangereuses ont affligé de nos jours le corps de l’église : il a pris à quelques docteurs une malheureuse et inhumaine compassion, une pitié meurtrière, qui leur a fait porter des coussins sous les coudes des pécheurs, chercher des couvertures à leurs passions ; » et plus loin, il les appelle « des inventeurs trop subtils de vaines contentions, de questions de néant, qui ne servent qu’à faire perdre parmi des distinctions infinies la trace de la vérité. » Cependant, que Pascal et ses amis ne se hâtent point de triompher. Ils auront aussi leur compte ; car le rigorisme extrême n’est pas moins dangereux aux yeux de Bossuet, l’homme de la règle et de la discipline moyenne, que le relâchement : « Les autres, dit-il, non moins extrêmes, ont tenu la conscience captive sous des rigueurs très injustes ; ils ne peuvent supporter aucune faiblesse ; ils traînent toujours… l’enfer après eux et ne fulminent que des anathèmes. » Les premiers (les jésuites et leurs adhérens) « gauchissent et se détournent au gré des vanités, des intérêts et des passions humaines ; ils confondent le ciel et la terre » ; ils mêlent Jésus-Christ avec Bélial ; ils cousent l’étoffe vieille avec la neuve, des lambeaux de mondanité avec la pourpre royale. Les autres (les jansénistes) détruisent par un autre excès l’esprit de piété, « trouvent partout des crimes nouveaux et accablent la faiblesse humaine en ajoutant au joug que Dieu nous impose. Cette rigueur enfle la présomption, entretient un chagrin superbe, et un esprit de fastueuse singularité. » Qui ne reconnaît là Port-Royal, dont notre admiration littéraire a un peu trop effacé les travers, et que nous sommes d’autant plus portés à célébrer, aussi bien que les stoïciens, que le rigorisme des uns et des autres ne nous gêne plus guère ? Quant à la doctrine théologique des jansénistes, Bossuet a touché avec délicatesse et justesse le point vif où commençait l’excès. Il reconnaît dans la doctrine de saint Augustin des obscurités et des difficultés qui tiennent à la profondeur des questions. Mais là où on avait vu jusqu’ici « des inconvéniens fâcheux, » les nouveaux docteurs ont vu « des fruits nécessaires. » Au lieu de tempérer saint Augustin, ils l’ont outré. « Grands hommes, dit Bossuet, éloquens, hardis, décisifs, esprits forts et lumineux ; mais excessifs et insatiables, et portés plus ardemment qu’il ne faut aux choses de la religion. » Pour de tels esprits, c’était une grande grâce que de céder à Rome : « Ce parti, zélé et puissant, charmait agréablement, s’il n’emportait tout à fait la fleur de l’école et de la jeunesse. »
Pour ne point quitter le terrain ecclésiastique, entrons avec Bossuet dans les maisons des religieuses, où il venait de temps en