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— qu’après une nuit d’orgie, des jeunes gens résolurent de faire le simulacre d’un jugement et d’une exécution. Un d’entre eux fut amené, les mains liées, les yeux bandés, et, malgré ses supplications, fut condamné à être saigné jusqu’à ce que mort s’ensuive. On lui banda les yeux, on simula la piqûre de plusieurs veines, et, en même temps, on faisait tomber des filets d’eau dans un bassin, de manière à imiter le bruit du sang tombant de la veine ouverte dans un vase. Tout d’un coup, le malheureux, qui n’avait cessé de gémir, s’affaissa : il était mort.

Mon père a raconté qu’un jour, avant de subir une grave opération chirurgicale (l’opération de la pierre), un patient fut amené devant un nombreux auditoire d’élèves. Le chloroforme n’était pas connu alors. Le chirurgien, — c’était l’illustre Desault, dans l’amphithéâtre de l’Hôtel-Dieu, — traça sur la peau avec son ongle la ligne que l’incision devait suivre ; soudain le pauvre patient poussa un profond soupir et mourut.

D’après M. Mosso, qui cite Marcello Donato, au siège de Bude pendant la guerre contre les Turcs, un jeune homme qui combattait avec vaillance fut mortellement blessé et tomba. Quand la bataille fut terminée, le général (Raisciac, de Suède), accourut pour savoir quel était ce héros. À peine leva-t-il la visière du casque, qu’il reconnut son fils. Alors il resta immobile, les yeux fixés sur lui, et tomba mort sans pouvoir proférer une parole.

M. Mosso raconte ainsi l’histoire, relativement plaisante, d’un célèbre chirurgien de Pavie, Porta, qui, s’il voyait un de ses opérés succomber pendant l’opération même, — c’était encore avant le chloroforme, — jetait dédaigneusement les instrumens par terre et criait au cadavre, en manière de reproche : « Le lâche ! il meurt de peur. »

M. Lauder-Brunton, physiologiste anglais distingué, a cité une histoire ressemblant beaucoup à une de celles que je viens de citer plus haut. Un maître d’études, s’étant rendu odieux aux jeunes gens d’un collège, fut saisi par eux et conduit dans une salle où l’on avait préparé une hache et un billot. Là on lui assura qu’il allait mourir. On lui banda les yeux et on le mit sur le billot. Puis on donna le signal de la chute de la hache ; mais, au lieu de la hache, on fit tomber sur son cou un linge mouillé. Et alors, subitement, le malheureux mourut.

L’attente du coup mortel, et la peur qui accompagne cette horrible attente, ont peut-être déterminé la mort chez quelques condamnés. Quand La Pommeraye monta sur l’échafaud, il était, d’après M. Maxime Du Camp, plus qu’à demi mort. M. Laborde a eu l’occasion d’observer, quelques instans après la mort, le cœur de Gagny qui fut, il y a un an, guillotiné à Troyes. Le cœur était gorgé de