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qui se plaçaient, au besoin, devant les colonnes, plus 2,700 que contenait la cour; plus, enfin, 6,000 autres qui priaient sans ordre dans la galerie, les vestibules et sur le seuil des portes, ce qui faisait en tout 22,700, nombre exact ou à peu près des personnes qui pouvaient, le vendredi, entendre ensemble la prière de l’iman, comme cela s’est vu aux époques florissantes de Fès. » Peut-être cela pourrait-il se voir encore. La mosquée El-Kairouayn est fort grande : elle a cinq portes donnant dans plusieurs rues, et je me suis arrêté devant trois d’entre elles qui permettent d’admirer l’étendue intérieure de l’édifice. Il n’offre à l’extérieur aucun intérêt. Les murs en sont droits, nus, sans fenêtres, sans corniches, sans aucune espèce de décoration. L’aspect des portes seul est assez imposant, mais n’a rien qui ressemble ou à la porte de la mosquée El-Andalous ou aux incomparables portes des mosquées du Caire. A L’intérieur, autant qu’il m’a été possible d’en juger, la mosquée se compose d’une série de nefs, qui s’étendent de tous côtés autour d’une cour centrale où se trouve la fontaine aux ablutions. Ces nefs ne sont pas formées par des arcs reposant sur des colonnes, comme le dit le Roudh-el-Kartas, mais par des arcs reposant sur de gros piliers massifs et carrés. Ils sont très bas, en plein cintre, largement outre-passés, et les galeries qui s’ouvrent sous leur voûte profonde semblent s’allonger, au loin, dans une ombre sans fin. Tout cela est d’une simplicité parfaite, sans le moindre ornement; l’œil n’est frappé que de la blancheur unie des murailles. Des lampes, qui paraissent fort belles, pendent au plafond. Des nattes de paille couvrent le plancher et tout le bas des piliers. J’ai remarqué les mêmes dispositions dans les mosquées de Meknès, et généralement dans toutes celles qu’il m’a été donné de voir au Maroc. Mais si les nefs sont d’une parfaite nudité, la cour centrale de la mosquée est, au contraire, remplie d’arabesques et d’ornemens. Je n’en ai bien vu que trois côtés, étant moi-même placé contre celui où se trouvent les portes, et qui d’ailleurs, à cause de cela, ne saurait être très décoré. Celui de face était à l’extrémité de la partie la plus sainte de la mosquée, celle qui est tournée vers La Mecque, et qui contient le mîhrab, la niche chargée d’indiquer la direction de la ville sainte. Dans le vide laissé entre eux par les piliers de la dernière nef, et sur ces piliers eux-mêmes, s’élève une balustrade de plâtre, ouvragée, brodée comme de la dentelle, qui me rappelait les moucharabiehs d’Egypte, mais des moucharabiehs blancs, sur lesquels la lumière du soleil projetait des ombres et des nuances d’une finesse transparente dont le regard était ébloui autant que charmé. Malheureusement, cette délicieuse balustrade cache la chaire de l’iman et le mîhrab, qui sont peut-être des bijoux ! Les deux autres