vallée. Les habitans disent que l’ensemble de la ville a la forme d’un chacal dont le nouveau Fès serait la tête et le corps, et le vieux la queue. Cette comparaison vaut ce que valent les comparaisons arabes. Le chacal qui serait l’image de Fès aurait, comme les comètes, une queue énorme pour un petit corps ; car la vieille ville est beaucoup plus grande et beaucoup plus resserrée que la nouvelle.
« Les habitans de Fès, dit toujours le Roudh-el-Kartas, ont l’esprit plus fin et plus pénétrant que les autres peuples du Maghreb ; fort intelligens, très charitables, fiers et patiens, ils sont soumis à leur chef et respectent leur souverain. En temps d’anarchie, ils l’ont toujours emporté sur les autres par leur sagesse, leur science et leur religion. » Tout ceci est d’une inexactitude absolue, et complètement démenti par l’histoire. Fès a toujours été, au contraire, une ville d’opposition, très difficile à manier, prompte à s’insurger, portée à la guerre civile, ne se soumettant qu’à la force, et ne s’y soumettant que de mauvaise grâce. La plupart des sultans n’ont pu s’y faire admettre que les armes à la main. Le sultan actuel, Moula-Hassan, a subi la loi commune; c’est en canonnant Fès qu’il y a fait reconnaître son autorité. Ce qui donne à cette ville un tempérament si indocile, c’est la présence des nombreux chérifs, tous descendans de Mohammed, tous ayant, par suite, des droits au califat, qui y résident auprès des tombeaux des saints, ainsi que celle des marabouts et des docteurs, qui y habitent également. Elle est le centre des études théologiques du Maghreb, études qui développent l’esprit de contention et de critique beaucoup plus que celui de sagesse et de patience. Aussi le sultan préfère-t-il de beaucoup ses deux autres capitales, Maroc et Meknès, villes toutes militaires, où règne la plus parfaite discipline. s’il ne suivait que ses goûts, on le verrait rarement à Fès. Il est obligé, au contraire, d’y passer de longs mois, afin de décourager les révoltes latentes qui risquent constamment de s’y produire. Il y a eu sans cesse des insurrections à Fès. Durant tout le moyen âge, on allait jusqu’à se battre de quartier à quartier, tant les divisions et les discordes étaient entrées dans les mœurs. A l’avènement de Moula-Hassan, la ville s’était érigée en république. Aujourd’hui, la surface de Fès est calme, mais il n’est pas difficile de s’apercevoir que ce calme est assez mal assuré. Sous le respect extérieur dont on entoure le sultan se dissimulent à peine des sentimens qui tourneraient vite à l’insubordination. Lorsqu’une partie du harem impérial passe dans les rues de Maroc ou de Meknès, tout le monde se tourne au plus vite contre les murs et s’y colle fortement la figure pour ne pas le voir. A Fès, on juge plus prudent