agrandie. C’est à l’époque des Almohades qu’elle atteignit toute la splendeur de la richesse, du luxe et de l’abondance. On y comptait alors 785 mosquées ou chapelles; 122 lieux aux ablutions à eau de fontaine ou de rivière; 93 bains publics ; 472 moulins, non compris ceux du dehors. Sous le règne de Nasser, on voyait dans la ville 89,236 maisons; 19,041 mesriza, ou. chambrettes indépendantes pour un homme seul; 467 fondouk ou caravansérails destinés aux marchands, aux voyageurs et aux gens sans asile; 117 lavoirs publics; plus de 1,200 fours; 400 fabriques de papier, etc. Un des plus brillans Merinides, Abou-Youssef-Yacoub, la compléta, en 1276, par la construction d’une ville nouvelle, située à plus d’un kilomètre de l’ancienne, mais toujours sur l’Oued-Fès. « La ville fut fondée sous l’influence d’un astre propice et d’une heure bénie et heureuse, comme on l’a vu depuis, dit le Boudh-el-Kartas, puisque le califat n’a jamais péri dans ses murs, et que jamais un étendard ni une armée partis de son sein n’y sont rentrés vaincus ou en fuite. » La nouvelle ville fut appelée Médinet-el-Beïda, ou la ville blanche. Mais ce n’est pas le nom qu’elle porte d’ordinaire. On l’appelle Fès-Djedid, Fès-la-Neuve, par opposition à l’autre ville, Fès l’ancienne, Fès-Bali, c’est à Fès-Djedid qu’est le palais du sultan et que réside le gouvernement. Il n’y a pas de ministères : toutes les administrations sont réunies dans le palais du sultan et dans ses dépendances, qui tiennent à peu près toute la ville neuve. Elle comprend en outre le mellah, ou quartier des juifs, placé sous la protection directe de l’empereur. La veille même du jour où les fondemens de Fès-Djedid furent jetés, les juifs avaient été massacrés à Fès par les habitans, qui, ayant fait irruption chez eux, en tuèrent quatorze, et il n’en serait pas resté un seul si l’émir des musulmans n’était monté aussitôt à cheval pour arrêter le massacre, en faisant publier l’ordre formel de ne pas approcher des quartiers juifs. Mais cette mesure paraissant insuffisante, le mellah fut placé à côté même de la résidence impériale, où il est à la fois garanti et surveillé de très près par l’autorité. Fès-Djedid offre plutôt l’aspect d’une sorte de citadelle que d’une ville. Elle est entourée de murailles crénelées singulièrement pittoresques, que dominent cinq ou six minarets délicieux. La nuit, au clair de lune, on dirait une de ces vieilles cités du moyen âge, surmontées de hautes tours, où une population restreinte s’enfermait pour se défendre. Les deux Fès s’étendent sur un espace de terrain d’une longueur considérable, mais très resserré dans sa largeur, au fond de la vallée qui forme le bassin de l’Oued-Fès. Fès-Djedid est à la tête des eaux, et c’est de là qu’on les lâche dans les rues de Fès-Bali, qui s’étale au-dessous, le long des pentes souvent fort raides de la
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