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un vote du parlement, il a remis sa démission à la reine, et c’est lord Salisbury qui a été rappelé du continent, où il se trouvait, pour former un ministère. La situation n’est pas d’ailleurs aussi simple qu’elle le paraît. Les conservateurs ont eu la part principale dans la victoire, ils n’ont pas vaincu seuls; ils ont eu les libéraux « unionistes » pour alliés, ils ne peuvent avoir une majorité parlementaire suffisante qu’avec leur concours, et ce n’est qu’après avoir cherché à s’entendre avec eux, après être allé jusqu’à offrir à lord Hartington la direction du cabinet, après avoir échoué dans cette tentative de fusion, que lord Salisbury s’est décidé à ne compter que sur ses propres forces. Il a formé un cabinet où il garde le poste de premier lord de la trésorerie, avec sir Stafford Northcote, aujourd’hui lord Iddefleigh, comme chef du foreign office, sir Michael Hicks-Beach comme secrétaire pour l’Irlande, lord Randolph Churchill comme chancelier de l’échiquier et leader de la chambre des communes.

La question est maintenant de savoir comment le nouveau ministère conservateur, qui est à peine né, pourra remplir la mission certainement épineuse et délicate que les circonstances lui imposent. Les libéraux auxquels lord Salisbury s’est adressé, lord Hartington, M. Goschen et leurs amis, M. Chamberlain lui-même, en refusant par fidélité de parti une place dans le nouveau cabinet, n’entendent pas sans doute lui créer des obstacles. Ils soutiendront le gouvernement tant qu’il s’agira de maintenir l’unité de l’empire britannique contre les revendications et les agitations irlandaises; mais c’est là justement le point grave. Tout réside dans le choix d’une position et d’un système. Si le ministère était entraîné à remettre en vigueur la politique de coercition, il ne serait probablement pas suivi par les libéraux « unionistes, » et il serait exposé à n’avoir plus de majorité. s’il veut à son tour essayer de résoudre le problème irlandais d’accord avec les libéraux ses alliés, qu’a-t-il à proposer ? Jusqu’où ira-t-il dans ses concessions? Au fond, il n’y a pointa se dissimuler que le problème irlandais ne peut plus être évité. La question a été soulevée par M. Gladstone, elle lui survit. Elle ne peut pas être résolue à la légère par le parlement, qui ne se réunit dans trois jours que pour se constituer, pour expédier au plus vite les affaires les plus urgentes. Elle se réveillera à la session d’hiver; elle pèsera longtemps sur l’Angleterre; elle reste aujourd’hui la difficulté du nouveau ministère britannique.

De tout ce qu’il y avait à craindre dans un pays comme l’Espagne, à la suite d’un événement comme la mort d’un roi à qui semblait promis un long avenir, rien ne s’est réalisé jusqu’ici. La transition peut être considérée désormais comme achevée ; le nouveau régime s’est établi sans agitation, sans secousse. L’autre jour encore, la reine Christine, qui faisait sa première sortie pour aller, suivant un usage traditionnel,