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Et voilà une guerre de représailles ouverte ! Les intérêts italiens ne peuvent assurément qu’en souffrir; les intérêts français en souffriront aussi. D’autres pays se glisseront à travers tout cela et profiteront peut-être de la circonstance. C’est là l’unique résultat!

L’intérêt commercial et maritime est sans doute sérieux dans cette affaire. L’intérêt politique était certainement aussi à considérer, et c’est assez légèrement, il faut l’avouer, que notre chambre s’est donné l’apparence d’un procédé un peu leste, que les Italiens ne pouvaient manquer de ressentir, qu’ils ont, en effet, ressenti assez vivement. Les Italiens ont eu tort, sans doute, de se laisser aller à une certaine mauvaise humeur, de ne pas voir tout de suite qu’il y avait, dans cette aventure, plus de hasard que de préméditation, que ce vote qui les a froissés ne cachait réellement aucune arrière-pensée d’hostilité et de malveillance. Ils n’ont pas moins cédé tout d’abord à un premier mouvement de susceptibilité, et ils ont été peut-être d’autant plus sensibles à ce procédé inattendu que, depuis quelque temps, ils se sont montrés assez disposés à se rapprocher de la France. Soit par l’effet des sympathies naturelles qui se réveillent toujours entre les deux peuples, soit par suite des déceptions qu’ils ont eues avec leurs tentatives d’alliances au centre de l’Europe, ils paraissaient revenir à des sentimens qui sont dans les traditions, dans l’intérêt commun de la France et de l’Italie. Cette médiocre aventure du traité de navigation rejeté au Palais-Bourbon est venue assez mal à propos offrir un nouveau prétexte à ceux qui s’efforcent toujours d’exciter l’Italie contre la France, de la rejeter dans les alliances continentales. Le prétexte était au moins spécieux; rien n’était plus facile, avec un peu d’imagination, que de représenter comme une sorte d’offense de parlement à parlement ce simple fait d’un traité accepté à Rome, désavoué à Paris. Les gallophobes se sont hâtés de saisir cette occasion de raviver les jalousies, d’émouvoir l’opinion en cherchant à démontrer, une fois de plus, qu’il n’y avait rien à faire avec la France. Ce n’est qu’une émotion d’un moment, une crise passagère sans doute, — on n’en restera pas là. Des négociations se rouvriront, si elles ne sont déjà rouvertes. Les gouvernemens s’étudieront selon toute apparence à dissiper les nuages, à chercher un moyen d’atténuer les effets d’un incident malencontreux, en attendant qu’un nouveau traité puisse être préparé entre Rome et Paris. Le mal, un mal sérieux, n’est pas moins déjà fait. La navigation méditerranéenne est provisoirement troublée, les dommages sont inévitables pour les Français comme pour les Italiens. Le malaise est rentré en même temps dans les relations des deux pays. Et voilà comment un vote émis sans prévoyance, sans raison sérieuse à la fin d’une session, peut affecter de nombreux intérêts, affaiblir le crédit de la France, créer même à notre gouvernement de nouveaux