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l’éperon, qu’il était alors question de supprimer dans les futurs devis :

« Comment pouvez-vous admettre que dans une action les mouvemens du bélier se réduiront à une série de passes brillantes et sans effet et que le choc se transformera toujours en frôlemens par suite de l’agilité de ses adversaires? En temps de paix, l’abordeur a fait généralement tout ce qu’il a pu d’abord pour éviter le choc, ensuite pour l’atténuer une fois que la rencontre a paru inévitable. Il est résulté de cet effort pour manœuvrer que les angles des abordages sont tous faibles, et, cependant le contact a toujours été mortel, sauf pour un seul bâtiment, pour le Français qui n’a trouvé le salut qu’en cherchant l’échouage. Voici la liste déjà longue de la plupart des bâtimens de guerre abordés en temps de paix : le Forfait par la Jeanne-d’Arc, abordé avec un angle de 10 à 15 degrés, coulé en quinze minutes ; le Vanguard, abordé par l’Iron-Duke avec une vitesse de sept nœuds, coulé en 59 minutes par mer calme : la brèche mesurait 4m,60 sur 1m,20 ; l’Oleg, abordé par le Kreml en 1858, coulé en quinze minutes ; le Kurfürst (Grand-Électeur), abordé par le Kœnig-Wîlhem le 31 mai 1870; la Reine-Blanche, par. la Thétis, le 3 juillet 1877, sous un angle de 40 à 45 degrés, avec une vitesse de cinq nœuds. Les cas de chocs par l’éperon en temps de guerre sont au nombre de deux, qui ont entraîné la perte des bâtimens abordés : le Re d’Italia, abordé par l’Archiduc Max, a coulé à Lissa, et l’Esmeralda, corvette chilienne, abordée par le Huascar, monitor péruvien, a coulé, entraînant la perte de 140 hommes.

« Ce ne serait plus rendre la physionomie réelle des rencontres de guerre sur mer, que de supposer les. bâtimens des deux partis maîtres pendant toute l’action, de la marche et de la faculté d’évoluer. Tout bâtiment qui ne sera pas protégé sur les flancs à la hauteur du double point d’attaque sous-marine, sera une victime désignée à la mort par le choc dès qu’il sera atteint dans sa marche, sa barre ou sa flottabilité de combat.

« Je ne pense pas que vous ayez pu vous arrêter à l’importance de l’avarie que l’abordeur pourra éprouver dans son avant. Un bélier après le choc fera de l’eau par l’avant : cette eau se répandra non pas dans l’intérieur du bâtiment, mais dans le coqueron très exigu, qu’il conviendra d’encombrer pour le cas de guerre, ou même en permanence, d’un matelas léger, à poids invariable. — Que les bâtimens qui, dans des circonstances fortuites, en temps de paix, ont donné des coups d’éperon, soient allés au port le plus voisin refaire les joints de leur armature, cela est une question d’ordre et de soin. Mais en temps de guerre le bélier pourra