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qui au contraire l’assurent, sont la pierre de touche de l’innovation. Voici quelles sont les diminutions certaines, conséquence immédiate du nouveau mode de protection :

La flottabilité de combat étant fondée par l’établissement d’une ceinture obturatrice extérieure et de deux matelas encombrans contigus, placés à l’intérieur en réserve, à la hauteur des attaques sous-marines, — la ceinture cuirassée, armure verticale, est supprimée de bout en bout. De ce fait, il faut compter sur une économie de poids qui se chiffre par la moitié du poids total de la cuirasse, si l’on entend par la cuirasse, comme sur les devis, l’ensemble de la défense à la ceinture, du pont d’acier et du blindage des panneaux, des tourelles et des passages. Cette économie va se répercuter sur la coque qui, n’ayant plus à supporter cette applique, sera moins grande et moins lourde ; sur l’appareil moteur, qui s’allégera parce qu’il n’aura plus à traîner la cuirasse de ceinture et une coque aussi forte, et sur le charbon, dont l’approvisionnement sera moins considérable pour une machine allégée. On va vite pour l’allégement ou pour l’accroissement dans cette voie où tout s’enchaîne.

Ce n’est pas tout. L’élasticité du matelas permettra de réduire les dimensions des tôles qui le contiennent sans diminuer la solidité de l’édifice. Il est évident que ces modifications ne doivent pas atteindre les liaisons, ni faire perdre de vue les risques d’échouage. Mais on ne saurait admettre qu’un bâtiment, muni dans une si large mesure d’une protection élastique, doive garder exactement la même armature que dans le cas où la solidité est obtenue par la force des tôles. La construction nouvelle doit rejeter les compromis et tirer toutes les conséquences que lui fournit l’emploi du corps léger. Si l’idée n’est pas poussée à fond et jusqu’à ses dernières conséquences, on ne rompra pas la chaîne qui retient le bâtiment de combat à la lourde masse qu’il traîne après lui.

Il y a, en effet, une objection qui ne pourra manquer de surgir devant cet exposé : « Vous assurez la flottabilité de combat par un moyen nouveau, et, devenu certain de ne pas couler, vous supprimez la cuirasse de bout en bout. Mais déjà des bâtimens de combat ont rejeté franchement cet excès d’armure, ou du moins n’ont conservé le blindage qu’au centre. Comment se fait-il que l’économie de poids leur échappe, et, — pour citer celui qui est devenu comme une sorte de champ d’expériences pour l’Angleterre, — le cuirassé l’Inflexible, le type le plus complet de l’application du décuirassement, pèse près de douze millions de kilogrammes (11,800 tonneaux)? »

On pourrait chercher d’abord l’explication de ce poids énorme dans la nature encyclopédique de l’armement. Mais on montrera tout à l’heure que le dommage causé par l’accumulation des moyens