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édifié encore sur les changemens qui ont pu s’opérer. Il irait, parcourant les campagnes, causant avec les propriétaires des domaines, interrogeant les paysans, visitant les fermes, recueillant des chiffres, et rapprochant de ses observations ce que la statistique et divers renseignemens épars et concordans pouvaient donner sur la province dans le passé, il établirait là-dessus la comparaison qui lui permettrait d’arriver à de plus solides conclusions. Dégagé de ces passions et de ces partis-pris qui font qu’on sacrifie ou qu’on préfère l’ancien régime ou le nouveau uniquement parce que l’un est nouveau et l’autre ancien, notre homme se souvenant peut-être qu’il s’est associé aux pensées rénovatrices des économistes, aux plans généreux de Turgot, et heureux de savoir que l’égalité civile a triomphé, constaterait le bien avec plaisir, le mal avec peine, sans le diminuer ni l’exagérer, et il s’appliquerait à rechercher, avant tout, ce qui existe aujourd’hui au regard de ce qu’il a vu autrefois. Voici ce qu’il trouverait en gros. Le sol a livré proportionnellement beaucoup plus de produits, tantôt le tiers, tantôt le double, à un nombre d’habitans devenu d’un tiers plus considérable. Il y a quarante ans à peine, on ne comptait pas moins de 4,000 hectares en friche entre la Vienne, la Manse et la forêt de Chinon ; aujourd’hui ils sont défrichés pour la plupart et on a commencé à faire la même opération pour les landes du Ruchard. Les vallées inférieures de l’Indre ont été assainies à partir de Cormery ; les terrains marécageux de La Chapelle-aux-Naux et de Bréhémont, signalés, au dernier siècle, comme faisant sur la Touraine une tache qu’on ne savait comment faire disparaître, sont maintenant desséchées. Les terres argileuses et tourbeuses du nord de la Loire, non susceptibles d’autres cultures, ont été ensemencées de plus et de châtaigniers aujourd’hui d’un très bon rapport. Les sables gras, connus dans le pays sous le nom de varennes, sont convertis en une source de richesse pour la culture maraîchère, devenue depuis vingt ou trente ans très florissante aux abords des villes. Les argiles marines (bournais) ont favorisé la culture du blé et particulièrement des arbres fruitiers. Les argiles calcarifères (aubuis), ont aidé à développer les prairies artificielles, dont on regrettait autrefois l’absence presque complète. Enfin, les argiles caillouteuses (perrès dans le langage du pays) ont profité aux bois et surtout à la vigne. C’est également au sol indigène que le cultivateur a emprunté les principaux amendemens que réclame le sol tourangeau sous peine d’infertilité, tels que les marnes, la tourbe, la charrée et tout particulièrement le falun extrait de ces falunières, immenses dépôts de polypiers et de mollusques amoncelés par la mer quand ses flots occupaient les fonds qui sont devenus les champs de la Touraine. Il est vrai que la province