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la tâche d’accomplir après sa mort précoce et fortuite. Il faut vraiment faire effort pour évoquer les images tragiques et sanglantes que réveille Amboise au temps des guerres religieuses, tant elles sont en désaccord avec une si calme nature. Rien qui ne respire la paix, le travail et la fécondité. La petite ville d’Amboise n’est animée que par une industrie qui se rattache en partie à l’agriculture. La principale fabrication, celle des pressoirs, dirigée par MM. Mabille, n’est en quelque sorte qu’une annexe de la production viticole. Les ouvriers des diverses industries forment le quart de la population. Eux-mêmes se ressentent favorablement du voisinage de la campagne. Ils ne paient pas leur logement trop cher ; ils jouissent d’un jardin moyennant une vingtaine de francs qui s’ajoutent au principal du loyer; ils ne diffèrent pas trop par leurs mœurs, en général rangées, de la population rurale, sans être tout à fait aussi économes. Les maisons des paysans, que nous visitons sur la hauteur, ont l’air propre et agréable. La forêt d’Amboise abandonne quelques-unes de ses lisières à la culture envahissante. A peine en a-t-il acquis quelques mètres, le paysan y sème l’avoine pendant trois ou quatre ans; puis, quand le sol est nettoyé,* débarrassé de ses racines, il y plante la vigne. Sur ce territoire, la bonne terre se vend 3,000 francs l’hectare dans la vallée, 2,500 sur les plateaux, les prairies valent entre 3,500 et 4,000, les vignes entre 3,000 et 5,500; elles rapportent, dans les années passables, 4 ou 4 1/2, les céréales 3 ou 2 1/2. C’est là, au dire des habitans eux-mêmes, ce qu’on appelle « un bon pays. »

L’arrondissement de Tours offre un mélange de parties admirablement fertiles et de terres ingrates qu’on appelle la Gatine. Rien n’est moins en rapport avec l’idée que donne d’elle la Touraine. La terre végétale y a peu de profondeur ; les étangs y remplacent les ruisseaux et les sources ; çà et là, on aperçoit le minerai de fer, et presque partout des champs en friche, des landes stériles. Des bois étendus couvrent les cimes, où on trouve peu d’habitans. Mais, si on excepte ces terres, d’une transformation difficile, presque partout la culture se déploie sous toutes les formes. Les vignes de Joué et de Vouvray jouissent d’une réputation déjà ancienne et donnent lieu à un revenu assez élevé, mais inégal. Les arbres à fruit partagent le même privilège. Les céréales, la prairie, les vignes surtout, constituent la richesse de ces cantons, auxquels fait un peu trop défaut l’élève du bétail. Le Maine, l’Anjou, le Poitou, fournissent une partie notable de la race bovine ; l’espèce ovine est, en général, tirée du Berry et de la Sologne. Le canton de Châteaurenault produit pourtant des chevaux qui se rattachent à la race percheronne, mais que l’éleveur vend à l’âge de six mois, faute de suffisans pâturages. On doit reconnaître