Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/644

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus civilisé, où la plupart des témoins sont dans la même impossibilité. Le chiffre, longtemps stationnaire à 17.71 pour 100, des conscrits illettrés s’est abaissé ces dernières années à 13.7 pour 100, et il n’est pas difficile de prévoir que d’ici à peu d’années cette absence des notions primaires sera la très rare exception. On ne peut pourtant méconnaître que, même avant la loi qui rend l’instruction primaire obligatoire, le mouvement qui portait à l’école s’était extrêmement accru. La population scolaire avait monté à 81,315 enfans. Seulement la réalité restait au-dessous de ce chiffre assez imposant. On comptait environ 4,000 enfans, en âge d’être instruits, qui avaient échappé à l’inscription. Les présences ne dépassaient pas 23,000 par mois sur 29,000 inscrits. La moyenne de la fréquentation était de 8 mois 1/2 pour les garçons, de 9 mois 65 pour les filles, dont l’assiduité un peu plus grande tient sans doute à ce qu’elles sont moins requises pour les travaux des champs. Les élèves gratuits se montraient, vers la même date de 1880, moins exacts que les payans, ce qui était d’ailleurs l’ordinaire. On se plaignait de la difficulté du recrutement des instituteurs laïques, et on regrettait l’insuffisance des écoles normales, en accordant des éloges à celle qui est établie à Loches. L’enseignement agricole a encore bien des lacunes à combler en Touraine. Celui de l’horticulture pourrait, en se développant, avoir de l’avenir dans ce pays où l’aisance de nombreux propriétaires a fait des fleurs et des jardins d’agrément l’objet d’une recherche particulière.

Au moment où nous quittons à peine les populations rurales de la Normandie, de la Picardie, de la Bretagne, nous éprouvons un véritable soulagement à rencontrer une population agricole où l’abus des boissons alcooliques présente des proportions aussi modérées qu’en Touraine. Le département d’Indre-et-Loire n’est pas exempt, dans la carte de l’intempérance alcoolique dressée par le docteur Lunier, d’une légère teinte rouge, mais c’est un vice relativement peu développé, quoique les crimes et la folie y aient aussi leur contingent. On peut favoriser d’une note assez satisfaisante un département qui se classe seulement le soixante-troisième dans la triste gradation établie par l’intempérance entre nos départemens français. Les plaisirs recherchés par le campagnard, sans être très relevés, sont en général moins vils que la grossière ivresse. Il aime, surtout dans la jeunesse, les assemblées et les fêtes avec passion, et les villageois qu’on empêche de danser étaient en Touraine un trop bon thème d’opposition pour qu’on le laissât échapper. Les jeunes gens s’y plaisent, pas toujours peut-être aussi innocemment que le prétend l’auteur de la spirituelle pétition, pour qui l’idylle n’est peut-être ici qu’une variante et une aggravation de la satire. La coquetterie, défaut favori de la jeune fermière ou de la simple servante,