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enlever ? L’empire est, au reste, assez grand pour qu’il trouve ailleurs un emploi plus utile de ses armes. Il est même si grand, qu’en certaines de ses parties le sultan ne s’aventure jamais. Il sait bien que dans le Riff, par exemple, et dans l’Atlas son armée serait anéantie par les montagnards indomptés et indomptables de ces contrées. Il en est de même dans l’extrême sud, où ses troupes seraient dévorées par le désert. La victoire n’accompagne pas toutes ses entreprises, à beaucoup près. Il est parfois défait, comme il l’a été, je l’ai dit, en revenant d’Ouchda et dans bien d’autres circonstances. Mais n’est-ce pas là véritablement la guerre, la vie d’aventures, la vie arabe par excellence, et n’est-il pas naturel que le descendant de Mahomet, fidèle aux traditions de sa race, continue, en plein âge moderne, à mener l’existence errante et batailleuse que ses ancêtres ont menée jadis avec tant de génie, d’éclat, d’entrain et de poésie ?

Je n’ai jamais mieux compris la nature du pouvoir du sultan du Maroc qu’un matin où, étant allé faire une excursion autour de Fès avec quelques officiers, nous longeâmes le camp à l’heure des premiers exercices. Je connaissais l’armée marocaine pour l’avoir vue rangée en bataille; je savais à quoi m’en tenir sur cette horde de soldats en guenilles, armés d’épouvantables fusils ; je ne doutais pas un instant qu’elle fût incapable de résister à une force européenne quelconque tant soit peu organisée. Mais ce n’était pas tout que de l’avoir observée dans ces représentations d’apparat, où elle cherche à se donner des airs d’armée moderne : il fallait la voir chez elle, livrée à elle-même, et pour ainsi dire en déshabillé. Je dois dire que, dès le premier aspect, le camp marocain frappait comme quelque chose de barbare, rappelant le moyen âge et l’époque où de simples bandes parcouraient l’Europe en la ravageant. Il était situé sur le flanc d’une montagne dont il occupait un espace considérable. Au centre se dressait la tente du sultan, entourée de son enceinte, et n’ayant près d’elle qu’une petite tente qui sert de mosquée à Moula-Hassan. Dans le vaste espace libre qui la séparait de celles des soldats, on voyait des chevaux entravés, des canons, des caissons, des bagages de toutes sortes, jetés au hasard, pêle-mêle, dans le plus complet désordre ; ici un affût traînait dans l’herbe, le canon était plus loin sur un tas de fumier ; là un paquet de bardes roulait dans la poussière, tandis qu’à quelque distance des fusils étaient dressés en faisceaux inégaux. C’est également dans ce vaste espace libre que l’infanterie exécutait des manœuvres sous la direction de l’officier anglais qui la commande, Maclean. Elle marchait admirablement et évoluait avec cette correction qui est si aisée aux Arabes, pour lesquels l’imitation est chose toujours