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tions, dans nos machines, il n’y a que des parties insensibles, séparables les unes des autres, extérieurement et superficiellement reliées, sommes-nous certains qu’il en soit de même dans les œuvres de la nature, dans ce que Leibniz appelait les « machines naturelles, » les « automates naturels, » par exemple dans les cellules nerveuses ? Sommes-nous certains que « l’événement nerveux » existe en lui-même sans aucun élément d’ordre mental, et soit indépendant de tout ce qui arrive à la conscience sous forme de sensation, d’émotion, d’impulsion ? Il conviendrait ici non d’affirmer ou de nier, mais de s’abstenir. Enfin, est-il probable que l’élément nerveux se suffise à lui-même et que cependant la conscience vienne s’y ajouter comme du dehors ? C’est, nous dit-on, pour « compléter et achever » le phénomène, non « pour le constituer. » — Mais achever et compléter, n’est-ce pas constituer ? Est-ce que le « couronnement de l’édifice » n’est pas une des parties constituantes de l’édifice ?

Selon M. Ribot, dans la théorie de l’intermittence, il n’y aurait plus de difficulté à comprendre que toutes les manifestations de la vie mentale puissent être tour à tour inconscientes et conscientes : « sensations, désirs, sentimens, volitions, souvenirs, raisonnemens, inventions, etc. » Pour le premier cas, dit M. Ribot, « il faut et il suffit qu’il se produise un processus nerveux déterminé, c’est-à-dire la mise en jeu d’un nombre déterminé d’élémens nerveux formant une association déterminée, à l’exclusion de tous les autres élémens nerveux et de toutes les autres associations possibles. Pour le second cas, il faut et il suffit que des conditions supplémentaires, quelles qu’elles soient, s’ajoutent, sans rien changer à la nature du phénomène, sinon de le rendre conscient. » Sans rien changer, sauf cette légère modification, la conscience ! Pygmalion, pour animer sa statue, n’avait que cette petite addition à produire. Peut-on admettre qu’un phénomène supposé mécanique et automatique, c’est-à-dire résoluble en termes de mouvement, ne change point de nature, mais seulement de forme quand on y ajoute la sensibilité ou la conscience, qui ne sont pas transposables en termes de mouvement ? Toutes les conditions nerveuses, primaires ou « supplémentaires » sont toujours, comme telles, de simples directions et compositions de mouvemens ; pour les rendre conscientes, sentantes , désirantes, il faut y ajouter autre chose qu’une direction nouvelle de mouvement : ou, si en fait cette addition est inutile, c’est qu’il y avait déjà dans le mécanisme autre chose que du pur mécanisme : le prétendu automate était vivant ; bien plus, il était sentant.

Un psychologue italien très distingué, M. Sergi, suit sur ce point M. Ribot et va plus loin encore. « Tantôt, dit-il, un phé-