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réflexes ; c’est là que beaucoup de physiologistes et même de psychologues cherchent aujourd’hui l’explication unique des faits de conscience : pensées, émotions, désirs. Ils croient avoir ainsi trouvé le phénomène vraiment élémentaire auquel se réduirait la complication de nos états intérieurs. On sait que M. Spencer, dans sa Psychologie, considère l’action réflexe comme le germe unique de tous les faits d’ordre mental. Même doctrine chez M. Ribot, chez M. Setchenof, chez M. Luys, chez M. Beaunis, chez la plupart des physiologistes. Qu’est-ce pour eux que la pensée ? Une action réflexe encore lente, qui prend le temps de se sentir elle-même ou de se raisonner ? Qu’est-ce que l’émotion et la volonté ? Des actions réflexes encore mal organisées, qui s’attardent dans la région de la conscience avant d’avoir acquis la sûreté mécanique de l’inconscient. En d’autres termes, la pensée, le sentiment, le désir sont du mécanisme encore imparfait, qui ne doit sa conscience de soi qu’à sa lenteur. Voyez l’aile d’un moucheron qui bat trois ou quatre cents fois en une seconde ; voilà l’idéal : le moucheron n’en sait rien, et c’est pour cela même que le battement de son aile est un éclair.

Nous nous proposons d’examiner si on peut considérer ainsi les faits de conscience, surtout la pensée et le sentiment, comme les simples reflets de l’automatisme. Parlons d’abord de la conscience en général et de la pensée.


I.


M. Ribot, qui avait presque entièrement adopté, dans ses premiers ouvrages, la théorie de MM. Huxley et Maudsley sur le « pur automatisme, » sur la « machine à vapeur qu’un jet de lumière éclaire, » sur « l’ombre projetée accompagnant les pas du voyageur, » a fini par sentir que les objections dirigées contre cette théorie avaient leur part de vérité. Peut-être nos objections à nous-même, tirées de l’influence qu’exercent les idées sur les actes, n’ont-elles pas été tout à fait étrangères à cette importante concession faite aujourd’hui par M. Ribot : « L’état de conscience, par rapport au développement futur de l’individu, est un facteur de premier ordre. » Toutefois, M. Ribot maintient toujours que la comparaison de l’automate éclairé par une lumière intérieure est vraie « pour chaque état de conscience pris en lui-même et dans le présent. » Ainsi considéré, l’état de conscience n’est, dit-il, « qu’une lumière sans efficacité, que la simple révélation d’un travail inconscient. Encore une fois, ajoute-t-il, la conscience n’est en elle-même qu’un phénomène, qu’un accompagnement. S’il existe des animaux chez qui elle paraisse et disparaisse à chaque instant, sans laisser