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L’HOMME AUTOMATE

Il y a déjà quelques années que M. Huxley, commentant la célèbre doctrine de Descartes sur l’automatisme des bêtes, montrait à ses auditeurs une grenouille privée de ses hémisphères cérébraux et accomplissant néanmoins des prodiges d’équilibre pour se maintenir sur la main sans tomber, malgré les mouvemens tournans que la main accomplissait en divers sens. Si la grenouille était philosophe, ajoutait spirituellement M. Huxley, elle pourrait raisonner de la manière suivante : « Je me sens mal à l’aise et en train de glisser ; je pose donc mes pattes en avant pour me garantir. Sachant que je vais tomber si je ne les pose pas plus loin encore, je les assure de nouveau, et ma volonté amène tous ces beaux ajustemens dont le résultat est de m’installer en sûreté. » Mais, concluait M. Huxley, si la grenouille raisonnait ainsi, elle serait complètement dans l’erreur, car, en fait, elle accomplit toutes ces choses absolument aussi bien sans avoir ni raison, ni sensation, ni pensée d’aucun genre : les animaux sont donc des automates, mais des automates consciens. L’homme, que Descartes avait eu soin de placer à part, rentre naturellement dans la définition générale. La plupart des psychologues contemporains nous répètent aujourd’hui que l’automatisme des actions réflexes, déjà décrit par Descartes sous, le nom d’undulatio reflexa, suffit pour expliquer tout ce que notre suffisance attribue à l’action de notre pensée, de nos sentimens, de nos volontés.

La forme du problème est nouvelle, le problème est ancien. Si nous pouvions nous transporter plus de deux mille ans en arrière chez les Grecs, au temps de Socrate, et assister aux derniers entre-