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6 juillet, jour de la bataille de Wagram, à côté de l’empereur, qui, des hauteurs de Volkersdorf, regardait la plaine du Marchfeld en feu, quand, à une heure de l’après-midi, un aide-de-camp de l’archiduc Charles, le comte Colloredo, venait annoncer qu’on avait « pris toutes les mesures nécessaires en vue de la retraite. » Que signifiait ce mot? Était-ce un excès de prudence? était-ce l’aveu d’une défaite déjà certaine? L’empereur ému, après un court dialogue avec l’aide-de-camp, qui ne lui laissait plus aucun doute, se bornait à dire : « c’est bien ! » Et, se tournant vers M. de Metternich, il ajoutait : « Nous aurons beaucoup à faire pour réparer le mal ! » Le souverain éprouvé semblait parler à un conseiller familier qu’il associait désormais à ses pensées les plus intimes.

C’est que déjà, effectivement, l’empereur François avait choisi le jeune ambassadeur, à Paris, pour le ministère, pour la direction des affaires de l’empire à la place de M. de Stadion, qui venait de donner sa démission. M. de Stadion, l’organisateur de la guerre de 1809, homme à l’imagination vive, au caractère résolu, mais plus passionné que clairvoyant, n’avait pas été plus heureux que ne l’avait été M. de Cobentzel dans la préparation de la guerre de 1805, et, se sentant vaincu, il avait hâte de disparaître dans sa défaite. Il considérait la campagne comme perdue et il se croyait peu propre à négocier une paix à laquelle on ne pouvait plus se soustraire. Il avait fait son temps! M. de Metternich avait l’avantage d’être resté étranger aux derniers événemens, de n’avoir aucune responsabilité dans la crise qui éprouvait l’Autriche. Il avait plutôt blâmé de loin la précipitation avec laquelle le parti de la guerre, à Vienne, s’était jeté dans la plus périlleuse des entreprises. Par une dernière chance, bien que désigné pour se rendre à Altenburg, où des négociations ne tardaient pas à s’ouvrir à la suite de Wagram, il échappait à la pénible obligation de mettre son nom au traité définitif du 14 octobre, que rapportait tout fait, tout signé, le prince Jean de Lichtenstein, envoyé par l’empereur François auprès de Napoléon. Il n’avait pas eu la responsabilité de la guerre, il n’avait pas la responsabilité de la paix. De plus, il devait à sa position de pouvoir, mieux que tout autre, renouer des rapports avec la France, dont on était obligé de subir les conditions; il avait même laissé, pendant la guerre, Mme de Metternich à Paris, sous la protection qui lui avait été offerte de la part de Napoléon. Tout servait sa fortune, et c’est ainsi que M. de Metternich, petit ministre à Dresde en 1801, ministre à Berlin en 1804, brillant ambassadeur à Paris en 1807-1808, s’élevant par degrés à mesure que les événemens grandissaient, se trouvait à trente-six ans porté à cette chancellerie de cour et d’état, où pendant un demi-siècle il allait gouverner l’Autriche.