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son retour, affectait tout au plus avec lui une certaine réserve, sans malveillance, et même, à la veille de l’ouverture des hostilités, M. de Champagny avait mission de dire à l’ambassadeur que, s’il entrait dans ses convenances de laisser sa famille à Paris, l’empereur lui assurait d’avance sa protection. Si au dernier moment il était l’objet d’une rigueur imprévue, plus apparente que sérieuse, s’il était, pour la forme, traité en prisonnier et ramené sous escorte en Autriche, c’est que la cour de Vienne, par un procédé inusité, avait fait arrêter le chargé d’affaires de France, M. Dodun, et l’avait emmené en Hongrie. Quelle avait été, en réalité, la part de M. de Metternich dans les préliminaires de la guerre de 1809 ? Il avait cru sans doute, à un certain instant, que les événemens conduisaient à un conflit. Il s’était toujours étudié, néanmoins, à prolonger la paix autant qu’il avait pu, à ajourner une crise dont il sentait le danger. Il n’avait pas caché à son gouvernement qu’il se trompait s’il croyait pouvoir compter sur un concours de la Russie ou sur l’appui de quelques-uns des états allemands, qu’il s’abusait encore plus s’il se fiait à « l’insuffisance des forces dont Napoléon pouvait disposer contre l’Autriche, » même avec ses embarras d’Espagne. Il voyait plus clair à Paris que M. de Stadion à Vienne, et ses opinions ou ses craintes allaient être justifiées par l’événement du lendemain.


V.

Le lendemain, en effet, c’était Wagram après Eckmühl, après la seconde occupation de Vienne, après Essling ; c’était pour l’Autriche la nécessité inexorable de subir encore une fois la dure loi de la guerre ; c’était, quatre ans après le traité de Presbourg, le traité de Schœnbrunn resserrant l’empire de toutes parts, le réduisant dans son importance politique par de nouvelles diminutions de territoires et dans sa puissance militaire par une limitation secrètement imposée de l’armée. C’était, en un mot, le paiement obligé après la partie perdue. M. de Metternich, victime de la mésaventure qu’il devait à son gouvernement, avait été ramené à Vienne, où il était resté d’abord prisonnier de nom, en réalité entouré d’égards, retiré dans une maison de plaisance, le Grünberg, qui touchait à Schœnbrunn, devenu pour le moment le quartier général de Napoléon. Ce n’est qu’aux derniers jours de juin qu’il avait été reconduit aux avant-postes, devant Komorn, pour être échangé avec le chargé d’affaires de France, M. Dodun, revenu du fond de la Hongrie, et, à peine libre, il s’était hâté de se rendre auprès de l’empereur François, qui l’attendait avec impatience. Il était le