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surtout une profonde impression à Vienne, où, au lieu de se rassurer, on redoublait d’inquiétude et d’activité dans les armemens. Peu après, l’entrevue d’Erfurt, où Napoléon et l’empereur Alexandre allaient, au moins en apparence, resserrer leur union, et où l’Autriche n’était pas admise, ne faisait que raviver et aggraver ces malentendus.

Évidemment, entre l’Autriche et la France, les explications ne suffisaient plus et déguisaient à peine une tension croissante. M. de Metternich, quant à lui, jugeant les choses assez graves, prenait un prétexte à ce moment, au commencement de novembre 1808, pour se rendre à Vienne, et il s’apercevait aussitôt qu’il n’avait pas eu jusque-là le dernier mot de son cabinet, que l’Autriche était beaucoup plus avancée dans ses préparations militaires, beaucoup plus engagée qu’il ne l’avait cru. Lorsque qu’après quelques semaines de séjour à Vienne, il retournait à son poste, il pouvait, d’un autre côté, remarquer sur son chemin que, si l’Autriche était déjà prête, la France ne serait pas prise au dépourvu, que ses troupes étaient déjà en mouvement, et, à son arrivée à Paris, pour le 1er janvier 1809, la vérité de la situation perçait dans un mot piquant. M. de Champagny lui disait un peu gauchement, avec une affectation de plaisanterie, qu’il avait mis bien du temps à revenir. « C’est vrai, monsieur le comte, répliquait lestement l’ambassadeur ; mais j’ai été obligé de m’arrêter pour laisser défiler le corps entier du général Oudinot. » Le fait est que de part et d’autre on courait à un conflit devenu inévitable. On n’en doutait plus au mois de janvier 1809. L’Autriche ne pouvait plus s’arrêter. Napoléon, qui, au lendemain d’Erfurt s’était rendu au-delà des Pyrénées pour essayer d’en finir avec les affaires d’Espagne, rentrait brusquement à Paris, et ce retour foudroyant annonçait assez l’orage. Pendant quelques semaines on ne parlait pas beaucoup, on n’échangeait pas des défis de guerre, on agissait sans rien dire et, avant que la mi-avril 1809 fut arrivée, l’armée autrichienne, l’assemblée sur l’Inn, l’armée française en marche sur le Danube, allaient de nouveau se rencontrer dans une redoutable et sanglante campagne de trois mois.

Chose à remarquer! au milieu des incertitudes de cet hiver, où se préparait une rupture entre les deux empires, M. de Metternich gardait tous les dehors de sa position privilégiée à Paris. Son retour de Vienne avait été considéré comme un signe heureux à la cour et dans le monde officiel; dès le premier jour de son arrivée, il avait été reçu avec des attentions particulières par l’impératrice Joséphine. Sa présence semblait prouver que tout n’était pas perdu, qu’il y avait encore des chances pour la paix. Il trouvait, dans la société, le même accueil, les mêmes amitiés. L’empereur, après