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nouvelles que Napoléon lui envoyait par Duroc, aussi bien que les paroles des coalisés. Elle rêvait encore quelque médiation intéressée lorsque tout à coup les événemens, en se précipitant, démasquaient cette politique, qui allait offrir en quelques jours le spectacle de ses versatilités et de ses défaillances, au risque de se préparer à elle-même un terrible lendemain.

Qu’arrive-t-il, en effet, à ce moment extrême, pendant les quelques semaines de septembre-octobre 1805, où Napoléon, déjà en marche sur le Danube, va ouvrir la campagne par un coup de foudre, et où M. de Metternich est réduit à interroger inutilement M. de Hardenberg? Un jour, l’empereur Alexandre, qui est à Pulawi, fait signifier à Berlin qu’il va passer avec son armée sur le territoire prussien pour aller au secours de l’Autriche, et le roi Frédéric-Guillaume se récrie, proteste contre la violence qui lui est faite, menace de repousser la force par la force. Un autre jour, où il vient presque de rompre avec le tsar, il apprend qu’un corps français a violé le territoire d’Anspach et, par une volte-face subite, il se rejette vers la Russie ; il envoie aux Russes l’autorisation de passer en pays prussien. L’empereur Alexandre, saisissant l’occasion, accourt à Potsdam et, aidé par M. de Metternich, il enlève le traité du 3 novembre, qui semble lier la Prusse à la coalition. Est-ce bien sûr et définitif, cette fois ? Pas encore autant qu’on le croit. La Prusse a besoin de quelques semaines; elle s’est réservé la faculté de tenter un dernier effort, de proposer sa médiation sous la forme d’un ultimatum à Napoléon, déjà victorieux à Ulm, maître de Vienne, en marche sur la Moravie, — et c’est M. de Haugwitz qui est chargé de cette mission. On est à la mi-novembre ; les jours passent, les événemens se pressent autour de Brünn. L’envoyé du roi Frédéric-Guillaume arrive au camp français juste à point pour être presque témoin de la journée d’Austerlitz, — et M. de Haugwitz, parti avec la mission de remettre un ultimatum à Napoléon, revient avec un traité de cession du Hanovre, qui, en portant la confusion à Berlin, rejette la Prusse dans un ordre tout nouveau de négociations. — Dernier mot d’un long travail de diplomatie et profonde moralité des choses ! La Prusse vient de laisser l’Autriche succomber sans lui avoir prêté un soldat ; avant qu’il soit un an, l’Autriche laissera la Prusse se débattre seule et succomber à Iéna !

M. de Metternich, pendant ces quelques semaines de la campagne de 1805, avait passé de pénibles momens, partagé entre l’impatience et l’impuissance, sentant tout le prix d’une prompte décision de la Prusse et n’ayant pas, comme il le disait, « une seule bonne nouvelle à porter au roi » pour secouer son inertie. Lorsqu’il avait cru enfin toucher le but, il était retombé aussitôt sous le poids du désastre d’Austerlitz. qui d’un seul coup confondait tous les calculs et brisait