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On lui avait donné à choisir entre Dresde, Copenhague et la mission de ministre de Bohême auprès de la diète de l’empire à Ratisbonne. Copenhague lui semblait trop loin; aller à Ratisbonne pour assister aux inévitables funérailles de l’empire lui répugnait. Il avait opté pour Dresde, où il allait trouver un régime doux et paisible sous un prince simple et honnête, l’électeur Frédéric-Auguste. Rien de plus curieux que cette petite cour de la Saxe électorale, demeurée, au milieu des agitations européennes, ce qu’elle était en plein XVIIIe siècle. Elle avait vu passer au loin les événemens sans en ressentir les atteintes. Rien n’avait changé dans ce petit monde isolé, ni les usages, ni les puériles étiquettes, ni les costumes, ni les modes du temps de Louis XV, et selon le mot de Metternich, « la révolution française en était déjà au consulat de Bonaparte lorsqu’à la cour de Saxe les dames portaient encore des paniers. » Dresde, quoique un peu en retard dans le mouvement des choses, avait cependant un avantage : c’était comme une étape sur la route de Berlin et de Saint-Pétersbourg, comme un poste d’observation, qui par cela même attirait un nombreux corps diplomatique; c’était de plus pour l’Autriche cherchant à se relever un point de l’échiquier allemand à disputer à l’influence de la Prusse, un état précieux à maintenir dans la fidélité à ce qui restait de l’empire, aux intérêts autrichiens. Le jeune envoyé à Dresde avait été chargé de se préparer à lui-même ses instructions, et du premier coup il mettait toutes ses idées dans son programme. Il traçait un vaste tableau où il montrait la situation nouvelle du monde, la France menaçant l’Europe par ses perpétuels agrandissemens, l’Angleterre ne songeant qu’à ses intérêts, la Russie n’offrant qu’un appui intermittent et ne consultant que son ambition, la Prusse toujours prête à profiter du malheur des autres pays, la Saxe enclavée entre deux monarchies puissantes et mal défendue contre les pressions prussiennes.

Chercher à se reconnaître, à retrouver des points d’appui, des alliances en 1801-1802 n’était pas facile; mais pour ces idées Dresde était un bien petit théâtre, et avant que l’année 1803 fut écoulée, au moment où M. de Stadion était expédié à Pétersbourg pour essayer de nouer amitié avec le jeune successeur de l’infortuné Paul Ier de Russie, l’empereur Alexandre, Metternich était envoyé à Berlin pour reprendre avec la Prusse des habitudes d’intimité et de confiance interrompues depuis la paix de Bâle. Ces mouvemens de la diplomatie autrichienne semblaient se lier à deux événemens qui dévoilaient l’instabilité et l’état violent de l’Europe: au mois de décembre 1802, avait été préparé l’acte qui, sous le nom de « recès » de Ratisbonne, consacrait le bouleversement territorial de l’Allemagne par la sécularisation des principautés ecclésiastiques; au