elle-même, à accepter des traités qui sont le commencement de la subversion de la vieille Europe. La révolution, dans les camps de la république, s’est faite guerrière pour sa défense; elle l’est bien plus encore le jour où un jeune chef de génie, élevé tout à coup à l’empire, prend dans sa puissante main toutes les forces des armées républicaines, trempées au feu des combats, pour les conduire à la domination du monde à travers cette série d’étapes glorieuses qui s’appellent Austerlitz, Iéna, Friedland, Wagram. Cette fois, on peut le croire, le destin a prononcé, les résistances sont vaincues l’une après l’autre; le continent, soumis, semble se résigner à la révolution, qui ne lui apparaît plus que sous la figure du nouveau Charlemagne, maître de l’Europe comme de la France, assez puissant pour se faire de la Russie une alliée à Tilsit, pour obtenir de l’Autriche une archiduchesse en 1810. C’est la première partie et comme le point culminant de l’histoire du temps.
Bientôt, cependant, tout commence à changer de face. La révolution, en se confondant avec l’empire napoléonien, s’est tout au moins transformée, et, après avoir été la grande propagatrice des idées de liberté et d’émancipation parmi les peuples, elle n’est plus que conquérante. La révolution, sous cette figure nouvelle, étend ou veut étendre sa domination du midi au nord, au-delà des Pyrénées, comme en Allemagne, sous prétexte d’atteindre l’Angleterre, qui reste la dernière, l’éternelle et insaisissable ennemie. C’est là son piège ou sa fatalité. Par ses excès de conquête, elle irrite et révolte tous les instincts d’indépendance nationale qui frémissent dans le silence de la défaite. Par ses bouleversemens de territoires et de souverainetés, elle ranime le sentiment de conservation européenne. Par ses abus de prépotence, elle réconcilie les vaincus, elle refait les alliances brisées, elle rapproche les peuples de leurs gouvernemens jusqu’au jour où elle voit se tourner contre elle toutes ces forces, tous ces sentimens qu’elle a suscités, qu’elle a contribué à développer. C’est la seconde partie de cette histoire. Le cycle est complet ; mais dans ce cadre mouvant où tout se presse, où les événemens gardent une sorte d’unité tragique, tous ces états européens qui prennent part à l’action ont des caractères et des rôles différens. L’Angleterre, en subventionnant toutes les coalitions, combat pour sa cause, pour sa prépondérance maritime et mercantile. La Prusse, la Russie, puissances nouvelles, sans scrupules, ne songent qu’à profiter des subversions du continent pour s’agrandir. L’Autriche, pour sa part, dans cette mêlée des peuples, l’Autriche, plus que tout autre état, représente la vieille politique de conservation et d’équilibre : politique longtemps malheureuse, éprouvée par une série de désastres jusqu’à Wagram, mais patiente et artificieuse, rompue au maniement des alliances, à l’art