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Fontainebleau. Nous ouvrirons notre parapluie, en nous garant des omnibus. Eh bien ! dans ces conditions, les Fâcheux, il faut l’avouer, n’ont qu’un charme languissant ; les restes de ce divertissement de société, conservés sur un théâtre, nous divertissent mal.

Sans doute, cette vue est encore assez curieuse. Molière, qui, le plus souvent, nous montre en action et en conflit des types universels et éternels, nous donne ici la lanterne magique avec des fantoches qu’il a pris au passage ; si l’on découvre, à cette occasion, que le grand homme ne dédaigna pas d’être de son temps, on lui en sait gré ; on s’amuse de le surprendre dans cette occupation familière. On s’égaie doucement à examiner, parmi ces croquis du XVIIe siècle, telle figure qu’on croirait notre contemporaine : eh quoi ! il y avait alors des bohèmes, inventeurs d’affaires chimériques et emprunteurs de pièces blanches, comme cet Ormin ! Ou, réciproquement, tel ridicule qu’on croirait appartenir à ce temps-là, on s’aperçoit avec malice qu’il est encore de ce temps-ci : celui, par exemple, de l’homme qui fait ses embarras au spectacle. Et, tout bas, on se dit par où ces personnages se ressemblent, par où ils diffèrent : on improvise pour soi deux petites études de mœurs, et on les compare. On jouit aussi par l’oreille : le style de Molière, exprimant ici des réalités toutes proches, est plus concret et plus pittoresque, en deux, ou trois passages, qu’il n’est d’habitude, — sans compter qu’il a trouvé le temps, pour une scène au moins, d’être délicat : ce débat sur la jalousie et l’amour est un épisode précieux, mais d’une préciosité charmante, et non ridicule. — La description de certain carrosse, « comblé de laquais et devant et derrière, » et tout le récit de la chasse remplissent la salle comme la voix d’un Regnard qui aurait des poumons plus puissans et un gosier plus sonore. Ce dernier morceau surtout, cet air de bravoure est merveilleux : qu’elle passe à présent, cette fanfare, par la trompe d’un virtuose comme M. Coquelin, elle ragaillardit tout le public ! Mais, hors ce moment, et malgré les petits plaisirs que j’ai dits, la représentation est froide : ces plaisirs même sont plutôt des bénéfices de la réflexion que des agrémens directs, tels qu’on doit en attendre d’une pièce de théâtre. C’est qu’en somme ce n’est point ici une pièce de théâtre, ou du moins ce n’est pas une pièce qu’il soit bon de représenter sur un théâtre ; et dans ces conditions.

Quant à Psyché, son affaire est plus nette. Un ouvrage mythologique à grand spectacle, une féerie, un opéra d’avant l’invention de l’opéra, voilà cette tragédie-ballet. — Tout beau ! se récrie quelqu’un, c’est l’œuvre commune de Corneille et de Molière : il faut donc que ce soit un chef-d’œuvre renforcé. — Mais comment ces deux poètes y ont-ils mis la main ? En 1671, trois ans après la paix d’Aix-la-Chapelle, Louis XIV, à son apogée, commande à l’auteur des Amans