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réglé par le danseur Beauchamp, ne sont ni des allégories, ni des dieux, ni de faux bergers, ni des marquis : leurs originaux, en 1661, pouvaient se trouver dans la salle. Ballet et dialogue, d’ailleurs, comme le déclare Molière, ne sont ici que plus ou moins heureusement a cousus » : ils peuvent donc se découdre. Voilà qui va bien. Mais, prenez-y garde : M. de Pourceaugnac, George Dandin, le Bourgeois gentilhomme, si promptement que Molière ait dû les inventer et les écrire, sont pourtant des comédies, et leur composition est celle de comédies. Les Fâcheux ne sont rien qu’une série de silhouettes qu’on fait défiler dans une fête pour divertir les invités : l’auteur, pour « lier ensemble » ces bonshommes, avertit qu’il s’est « servi du premier nœud qu’il a pu trouver ; » il les a, de la façon la plus simple, attachés en chapelet pour les égrener. Ce ne sont pas des caractères comiques en action, ils ne concourent pas à un effet dramatique ; ils passent un à un devant le compère de cette revue de salon, ils déroulent de la sorte et pourraient allonger à l’infini, pour peu qu’ils fissent des recrues, une sorte de charade sans énigme. Plusieurs sont assez plaisans ; la répétition de l’embarras qu’ils donnent tous, l’un après l’autre, au compère, en l’empêchant d’avoir un tête-à-tête avec sa belle, ce redoublement continuel d’un même accident est d’une drôlerie passable ; enfin ils s’expriment tous fort bien. Faut-il en demander davantage à un impromptu de société ? La qualité de celui-ci passe l’ordinaire. Nous concevons qu’il ait réussi dans une fête où chacun s’applaudissait d’être convié, parmi les magnificences du surintendant, à la lumière du roi-soleil, — alors dans son premier éclat, deux ans après la paix des Pyrénées, cinq mois après la mort de Mazarin, à l’heure même où l’on découvrait que ce prince (le châtelain de Vaux allait en faire l’épreuve) n’était pas « un monarque en peinture. » Ajoutez qu’on était disposé à la bienveillance par la bonne chère, et qu’il fallait passer le temps jusqu’au feu d’artifice. Direz-vous qu’à la ville, trois mois après, les Fâcheux surent se priver de ces agrémens ? Du moins l’ornement du ballet, jusque-là réservé à la cour, les recommandait au public.

Mais pour nous, point de ballet, — qui, d’ailleurs, ne serait plus une nouveauté, — point de bonne chère, point de feu d’artifice, point de roi ! A la fin, lorsque le valet annoncera :


Monsieur, ce sont des masques
Qui portent des crincrins et des tambours de basques,


il faudra nous payer de ces paroles, et le rideau tombera dans le silence. Encore moins, en fait de tambours, avons-nous chance d’entendre, à la sortie, ceux des mousquetaires, et de voir Sa Majesté, à la lueur des fusées et des torches, prendre sous la fouillée le chemin de