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demeure en opérant la descente par une sorte d’échelle, le spectacle est navrant : les murs sont nus et humides. L’air et la lumière affaiblie ne parviennent qu’aux heures où l’état de l’atmosphère permet de tenir la trappe ouverte. Il y a moins d’un demi-siècle, dans les Trilles du nord de la France, les caves étaient nombreuses et beaucoup d’entre elles de la pire condition. Aujourd’hui, elles sont plus rares et celles qui persistent, un peu moins mal aménagées qu’autrefois ; néanmoins, personne encore n’a songé au bonheur d’habiter une cave à Lille, à Cambrai ou à Dunkerque.

Oui, c’est à la cave de la pauvre famille flamande qu’il faut comparer la charmante habitation des araignées maçonnes ; il y a des analogies dans le mode de fermeture et dans la façon d’entrer dans le domicile. Cependant, on doit juger fort agréables les logis des cténizes. A l’extérieur, ils sont si parfaitement dissimulés que seul un observateur expérimenté réussit à distinguer leur présence à la surface du sol. Rien, tout d’abord, ne fait soupçonner le luxe, et bientôt on sera conduit à penser à la demeure de quelque riche Arabe. Au dehors, afin de n’exciter aucune convoitise, tout garde l’apparence de la misère, tandis qu’au dedans règne la netteté, l’élégance, les gracieuses dispositions qui plaisent aux gens de goût. Ainsi, dans le midi de la France et dans presque toute l’Europe méridionale, cachées aux regards des simples mortels, abondent les constructions des araignées maçonnes. Dans les terres compactes, exemptes de pierres et même de gravier, où nulle infiltration n’est à craindre, sont pratiquées les nids souvent fort rapprochés les uns des autres des maçonnes. Chacun de ces nids consiste en un trou vertical, sorte de puits ayant des proportions en rapport avec la taille de l’architecte. Le tube bien cylindrique est régulièrement évasé vers l’orifice. Un trou creusé dans la terre ! N’y a-t-il donc pas une foule d’animaux se livrant à pareille besogne ? Peut-être ; néanmoins, les ouvrages des araignées maçonnés restent uniques. En effet, il ne suffit pas à ces créatures d’élite d’habiter un vulgaire taudis. Avec la soie dont elles disposent, les parois de l’étroite demeure sont tapissées du plus doux satin qu’on puisse imaginer. On estimera que de tels réduits sont des boudoirs enchantés. Il ne faudrait pas croire que les nids restent ouverts, l’habitant exposé à être saisi et mangé par des animaux carnassiers. Une porte solide, une trappe qu’il n’est facile ni de briser, ni d’enfoncer, forme une clôture vraiment surprenante. Avec les matériaux rejetés pendant le forage du puits, la porte est façonnée ; les particules terreuses agglomérées par couches au moyen de la matière soyeuse. Taillée un peu en cône de manière à répondre à l’évasement du cylindre, elle ne peut céder sous une