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il s’applique et animé du noble désir de marquer les traces d’un voyage, M. Vinson a servi avec bonheur les intérêts de la science. Il a fait connaître l’industrie de la soie chez les Hovas, et, déjà préparé par des études sur les araignées de l’Ile de la Réunion et de l’Ile Maurice, il a poursuivi ses recherches sur les espèces de Madagascar. Nous avons eu de la sorte un ensemble de notions nouvelles qui dépasse en importance tout ce que l’on possède d’ailleurs de renseignemens sur la vie des araignées des régions chaudes du globe. Aussi voulons-nous, pour quelques instans, suivre l’excellent observateur dans ses pérégrinations aux îles Mascoreignes et sur la terre de Madagascar.

En ces lieux, au sein d’une végétation tropicale, des épéïres, qui comptent parmi les plus grosses et les plus belles, bâtissent des toiles verticales qu’elles attachent aux arbres et aux arbrisseaux par de longs fils d’une extrême résistance ; — des fils dont on pourrait vraiment fabriquer de bonnes étoffes. A l’île de la Réunion domine l’épéïre noire ; à l’Ile Maurice, l’épéïre dorée, une bête magnifique, dont le corps, long de quatre à six centimètres, a sur les parties supérieures un large espace du plus beau jaune, que relèvent deux rangées de points noirs[1]. L’espèce de Madagascar, que volontiers les Malgaches croquent à belles dents, l’emporte encore par l’éclat de la parure. Son bouclier dorsal noir est vêtu d’une pubescence argentée ; son abdomen, où s’entremêlent, de la façon la plus harmonieuse, les couleurs de l’ébène, de l’or et de l’argent, ses pattes, d’un rouge de feu, la distinguent comme une créature privilégiée. Chez les araignées, en général, nous l’avons dit, les mâles, par la taille, sont inférieurs aux femelles ; mais il est rare de rencontrer l’énorme disproportion qui existe entre les deux sexes chez l’épéïre noire et chez l’épéïre dorée ; le mâle est un véritable myrmidon près de sa femelle. Le contraste saisit lorsque, à l’époque des amours, on le voit s’aventurer sur le domaine d’une femelle, ou lorsque, au voisinage du vaste réseau de cette dernière, il installe sa petite toile.

Dans les contrées méditerranéennes, de charmantes épéïres, au vêtement plus au moins argenté, façonnent un tissu à mailles régulières, qui présentent une singularité[2]. On l’avait vu et l’on avait passé, sans rien apprendre à ce sujet : une observation faite aux pays lointains allait nous éclairer. Au milieu des savanes humides de l’île Maurice et de l’Ile de la Réunion, une de ces jolies espèces de ce fameux genre épéïre devait exciter la surprise et susciter

  1. Epeïra inaurata.
  2. Les espèces du genre Arpyope.