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font sécher et le replient avec soin, seule manière de le repasser. C’est là que celles qui sont riches s’étendent sur des coussins, se promènent, reçoivent leurs amies, dévident quelques écheveaux de soie pour se désennuyer. La terrasse tient une telle place dans leur vie qu’elles ont, à Fès, une coiffure particulière pour les heures où elles y demeurent. Cette coiffure, qu’on ne voit qu’à Fès, qui n’est portée dans aucune autre ville du Maroc, et qui, à Fès même, est réservée aux femmes mariées, est ce que j’ai remarqué de plus original et de plus joli durant tout mon voyage. Dans notre première promenade au jardin, nous avions cru que presque toutes les femmes qui nous apparaissaient sur les terrasses portaient des mitres d’or brillant aux rayons du soleil du soir. C’était étrange, tout à fait imprévu et délicieux. A y regarder de plus près, la coiffure des femmes de Fès n’est pas une mitre, car elle n’est pas pointue au milieu ; ou du moins c’est une mitre élargie sur les côtés et qui se termine au sommet en une ligne courbe fort élégante. On la nomme hantouze, et voici de combien d’objets divers elle se compose. La femme doit être coiffée en bandeaux plats, avançant légèrement sur le front. Pour assujettir ses cheveux et maintenir les bandeaux, on place d’abord sur sa tête un voile en tulle noir, terminé aux deux extrémités par des bandes d’or très larges : cette résille d’un genre particulier s’appelle cherbia. Sur la cherbia on dispose une couronne en soie rouge, matelassée, aux deux extrémités de laquelle se dressent des pointes également matelassées et suffisamment élevées : c’est l’hantouze proprement dite, elle est retenue derrière la tête par un fil élastique qui passe sous le chignon. On étend sur l’hantouze deux bandeaux brodés d’or nommés hafidas ; enfin, sur les hafidas, on arrange avec art deux foulards de soie tissée d’or, nommés sebnias, qui recouvrent complètement l’hantouze et retombent en plis légers dans le dos. On peut varier indéfiniment la manière d’arranger les sebnias : tantôt ils sont de couleur différente, et suivant qu’on les met l’un au-dessus de l’autre ou en diagonale, l’hantouze est divisée horizontalement ou transversalement en deux parties rouges ou vertes, ou jaune et noire, ou bleu et or ; tantôt, au contraire, le second sebnia recouvre purement et simplement le premier, et l’hantouze n’a qu’une couleur, mais présente un aspect plus ferme et plus résistant. De quelque manière que soient posés les sebnias, lorsque la coiffure est terminée, on relève les deux côtés de la cherbia, de manière que ces bandes d’or retombent directement sur les épaules, semblables aux ornemens qui pendent aux oreilles des sphinx égyptiens. Cet ensemble si compliqué et qu’on croirait si lourd est tout à fait joli. Il encadre admirablement les têtes sévères des femmes âgées, et rien n’est plus charmant que de voir un jeune visage émerger, comme