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regardaient passer. Quelques têtes de nègres et aussi quelques têtes de femmes apparaissaient aux fenêtres étroites comme des meurtrières. Toutes les terrasses débordaient de femmes. Elles s’y pressaient en groupes multicolores, se penchant très bas, pour nous voir. Dans ce mouvement, bien des voiles se détachaient, laissant apparaître de grands yeux noirs et des lèvres délicates qui n’avaient rien de farouche. Parfois même, de petites mains effleuraient ces lèvres pour nous envoyer des baisers. Deux ou trois coiffures s’étant détachées, j’aperçus de lourdes chevelures qui retombaient en flots noirs et pressés sur les épaules. Ce premier aspect de Fès n’avait rien de déplaisant. De loin en loin nous rencontrions des portes de mosquées à demi ruinées, mais de la plus fine et de la plus charmante architecture. Nous traversâmes une partie du bazar, où il n’y avait pas, suivant l’ordre du sultan, une seule boutique ouverte. Les marchands se tenaient, graves et doux, sur leurs portes fermées. J’avais entendu dire que, dans toutes les ambassades précédentes, malgré les sévères prescriptions du gouvernement, Fès étant une ville d’opposition, une ville frondeuse et fanatique, on rencontrait, le jour des entrées solennelles, quelques Arabes, aux airs farouches, qui se détournaient au passage du cortège et crachaient contre le mur en murmurant : « Il ne manquait plus que Dieu nous envoyât une telle malédiction et permît à des roumis de pénétrer dans la ville sainte ! » On m’avait même dit que certaines femmes profiteraient sans doute de leur situation dominante sur les terrasses pour répandre leur indignation ailleurs que contre les murs. Mais, soit adoucissement des mœurs, soit bienveillance particulière pour nous, il ne s’est pas trouvé un seul habitant de Fès, ni d’un sexe ni de l’autre, pour nous souhaiter la bienvenue par des imprécations de colère ou par des manifestations de dégoût. Tous les regards étaient curieux et respectueux, je ne dirai pas amicaux, ce serait aller trop loin ; mais le vice-consul de France, qui assistait pour la huitième fois à une cérémonie de ce genre, m’a assuré qu’il n’en avait jamais vu d’aussi unanimement hospitalière.

Il y a pourtant des siècles que les réceptions, sinon à Fès, au moins au Maroc, se passent avec le même cérémonial qu’aujourd’hui. A part les costumes grotesques des fantassins et quelques autres détails tout modernes, la scène à laquelle j’assistais en entrant dans la capitale du sultan, me rappelait une scène analogue qui eut lieu en 1666 et dont un ambassadeur français fut le héros. J’en avais lu le récit quelques jours auparavant, ce qui me permit d’admirer encore combien le présent au Maroc ressemble au passé. Le fondateur de la dynastie des chérifs qui règnent aujourd’hui,