âges y sont confondus, en sorte que l’un y est courbé par la vieillesse, tandis qu’un autre auprès de lui est encore trop faible pour ne pas plier sous le poids de son arme. Quant aux fusils, ils appartiennent aux types connus et inconnus, depuis le mousquet du moyen âge jusqu’au fusil Gras, en passant par le fusil à pierre, par le fusil à chien, et par le fusil à aiguille. On n’a même pas pris la précaution de les distribuer avec une certaine méthode ; chacun garde au hasard ce que le hasard lui a donné. La plupart de ces fusils n’ont pas ou n’ont plus de baïonnettes ; ceux qui en ont manquent de fourreaux pour les contenir ; les soldats les mettent donc tout simplement dans leur dos, entre leur chair et leur veste, et l’on en voit la pointe émerger pittoresquement au-dessus de leurs tarbouches, ce qui leur donne l’air d’être empalés. Il va sans dire que les gibecières et cartouchières sont choses à peu près inconnues ; les soldats enveloppent leurs munitions dans un mouchoir suspendu à leur ceinturon et qui risque, à chaque mouvement, de se dérouler, laissant échapper ce qu’il contient.
Les cavaliers sont aussi variés comme armement que les fantassins ; toutefois il est moins facile de s’en apercevoir au premier abord, car leurs fusils, je l’ai dit, sont toujours enveloppés d’une gaine rouge. Ils les tiennent, suivant la fantaisie individuelle, sur l’épaule, au bras ou sur le pommeau de leur selle. Leurs costumes, qui sont ceux des Arabes ordinaires, sont par cela même uniformes. Quant à leurs types, c’est aussi un mélange invraisemblable de races, de physionomies et d’âges différens. Les cavaliers n’ont reçu aucune instruction européenne ; ils manœuvrent à l’arabe et pas autrement. Les fantassins, au contraire, ont tous en des instructeurs européens. Je ne parle pas seulement des harabas, qui sont un bataillon d’élite ; d’autre soldats ont été envoyés en Espagne ou en France, et en sont revenus avec des habitudes différentes de celles de leur pays. Mais, au Maroc même, l’armée est instruite pur des Européens. Notre mission militaire est chargée de former une artillerie et un bataillon de fantassins qui réside à Rbat’. Les autres fantassins sont sous la direction d’un Anglais, nommé Maclean, qui a fait partie de la garnison de Gibraltar et qui, obligé de quitter le service de son pays pour une raison quelconque, est venu chercher fortune au Maroc, où peu à peu il a acquis une importante situation. Il en résulte qu’une partie de l’armée manœuvre à la française, l’autre à l’anglaise, qu’ici les ordres sont donnés en français, là en anglais, ce qui produit la plus étonnante cacophonie. À mesure que nous avancions au milieu de l’armée, il me semblait que nous marchions, non vers les murs de Fès, mais vers la tour de Babel. Nous entendions résonner toutes les langues à nos oreilles. Malgré cela, les soldats marocains ne nous