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impliqués dans la conspiration, nous représente le chevalier d’Aigremont, qu’il avait connu, comme une dupe ; il aurait été joué, en cette circonstance, par Mme de Villars et le chevalier de Préau, qui voulaient se rendre maîtres de sa petite gentilhommière. D’Aigremont, à ce qu’il nous apprend, était une tête faible, qui s’était imprudemment engagé et dont la correspondance avec son ancienne maîtresse avait plus le caractère d’une affaire de galanterie que d’un complot, ce qui lui valut, lors du procès fait aux coupables, d’échapper à la mort et d’en être quitte pour une longue détention. Mais, comme on le verra dans la suite de ce récit, son esprit demeura troublé durant plusieurs années par les émotions que son arrestation lui avait causées.

En somme, les gens chez lesquels, au début, Latréaumont, le chevalier de Préau et Mme de Villars trouvèrent des dispositions favorables à leur projet, n’étaient pas nombreux ; ils ne donnèrent d’ailleurs, pour la plupart, que des assurances en l’air. Afin d’inspirer plus de confiance à ceux qu’ils tentaient de racoler, les deux gentilshommes et la dame ne manquaient pas de grossir le chiffre de ceux qui adhéraient au complot ; ils citaient comme y étant déjà entrées des personnes dont ils se flattaient seulement d’obtenir le concours. Latréaumont abusait par cette ruse le chevalier de Rohan et Van den Enden, pour les affermir dans leur dessein, et le chevalier de Préau en faisait accroire sur le nombre des conjurés, même à sa maitresse. A Boudeville, où il s’était rendu chez celle-ci, il disait que la Bretagne et la Guyenne étaient hostiles au roi et prêtes à se soulever. Il affirmait que des gens de haute qualité étaient dans le complot, il donnait les noms d’un M. de Saint-Martin, gentilhomme de Basse-Normandie, d’un M. de Mouchy, noble du pays de Caux, et allait jusqu’à prétendre que le cardinal de Retz, alors retiré du monde, était aussi de la conspiration.

Des personnes appartenant à la noblesse de Normandie entrèrent certainement, plus ou moins, dans les desseins du chevalier de Rohan ; quelques-unes entretinrent des intelligences avec lui. Au premier rang d’entre elles il faut placer le comte de Flers, avec lequel le chevalier s’aboucha d’autant plus naturellement qu’il était son parent, et le comte de Créqui, également allié à sa famille. On a affirmé, au procès, que le comte de Flers avait promis de faire tourner contre le roi le ban et l’arrière-ban de la noblesse qui venaient d’être convoqués dans la province. Ce même comte de Flers alla trouver à Saint-Mandé le chevalier, afin de s’entendre sur les moyens d’organiser le soulèvement. Rohan, cependant, nia formellement que son parent eût eu jamais connaissance du complot et, comme les preuves manquaient pour établir la complicité du comte de Flers,