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chevalier de Rohan. Ce jeune homme avoua qu’il avait souvent entendu son oncle et le chevalier de Rohan discourir sur des projets de république, qu’ils tenaient, ce sont ses propres expressions, des discours contre le respect qui se doit au roi, même contre sa personne sacrée, et le chevalier de Préau ajouta qu’en entendant de tels propos, il avait cru devoir s’éloigner de la conversation, mais que le chevalier de Rohan l’avait traité pour ce motif d’obstiné, parce qu’il protestait de son attachement pour le roi. — Si vous le connaissiez comme moi, vous ne l’aimeriez pas, s’était écrié le chevalier de Rohan. — Latréaumont et son protecteur Rohan paraissent même avoir agité pendant leur court séjour en Bavière des projets plus hardis encore, notamment celui d’enlever la reine et le dauphin à l’aide de cinq cents chevaux que leur fourniraient les Espagnols, alors que le roi se trouverait encore sur la frontière et à la tête de ses armées. Rentrés en France, lorsque Louis XIV envoya l’ordre de faire enregistrer certains édits, au parlement de Normandie, les deux mécontens songèrent à saisir cette occasion pour mettre à exécution le dessein qu’ils caressaient ; ils se disaient, comme cela ressort encore du témoignage du chevalier de Préau, qu’il fallait se servir de ce moyen, pour engager la province dans une révolte, « en faisant que, dans le parlement de Rouen, l’on apportât de la contradiction aux volontés du roi et insinuant dans les esprits des gentilshommes combien les édits que l’on registrait étaient préjudiciables. »

Van den Enden agréa la proposition de Latréaumont. Il fut convenu que celui-ci, après avoir sondé le chevalier de Rohan, l’aboucherait avec le médecin flamand, et si, comme cela paraissait vraisemblable, le dit chevalier acceptait leur projet, c’est sous son égide que tout devait être conduit.

Le chef que les deux conspirateurs avaient choisi était bien homme à entrer dans une si téméraire entreprise ; comme feu le maréchal d’Hocquincourt, qui avait jadis fixé le choix de Latréaumont, il était poussé par la vanité à s’engager dans des affaires hasardeuses que la faiblesse et l’inconsistance de son caractère ne pouvaient manquer de compromettre. Mais la puissante maison à laquelle appartenait le chevalier de Rohan, par le prestige qui l’entourait, pouvait servir à rallier à une insurrection dont ce seigneur prendrait la direction un certain nombre de mécontens et d’aventuriers. Le chevalier de Rohan était alors l’un des membres les plus en évidence et les plus marquans de sa famille, étant le frère puiné du chef de la branche la plus élevée de la maison de Rohan, à savoir : Charles de Rohan, deuxième du nom, comte de Montauban en Bretagne, duc de Montbazon, pair de France, qui mourut à Liège