Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/386

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Enden flattaient son ambition, et il chercha à les faire partager à un autre émigré français, le comte de Guiche, qu’il avait rencontré à Amsterdam. Il y avait déjà plusieurs années que celui-ci vivait exilé en Hollande, compromis qu’il avait été dans une intrigue ourdie contre Mlle de La Vallière. Il était alors au service des Provinces-Unies, dont il ne devait pas tarder à sortir pour rentrer sous les ordres du roi de France, et il se signala par sa bravoure au fameux passage du Rhin. Latréaumont présenta au docteur flamand le comte de Guiche, qui suivit quelque temps son enseignement philosophique, mais sans abonder, comme le faisait son autre élève, dans les idées politiques que préconisait leur maître commun. La réalisation d’un projet dont il avait souvent parlé avec Latréaumont parut à Van den Enden le moyen de se tirer de l’embarras d’argent où il était tombé. En poursuivant l’exécution de ce projet, il servait les intérêts de sa patrie et préparait l’établissement en France de ce régime libre dont il vantait la supériorité. Tels sont les faits qui ressortent des interrogatoires que le médecin flamand subit après son arrestation, lors de la découverte de la conspiration du chevalier de Rohan. Il avait discuté, plusieurs années auparavant, avec Latréaumont, une entreprise destinée à ouvrir aux Hollandais l’entrée du territoire français et à provoquer un soulèvement contre l’autorité royale. Le comte de Guiche, ainsi que nous l’apprend encore Van den Enden, assista, plus d’une fois, à leurs conversations, mais Latréaumont et son professeur avaient soin de ne jamais rien dire de contraire aux intérêts de la France tant que ce gentilhomme était présent. Latréaumont songeait à faire débarquer un corps d’Espagnols ou de Hollandais sur la côte de Normandie, et il indiqua sur la carte à Van den Enden la ville de Quillebeuf, comme éminemment propre à ce débarquement ; c’était là, faisait-il remarquer, un point faible du littoral et que, pour ce motif, le maréchal d’Ancre avait eu l’intention de fortifier. Tout plein de ces projets, le médecin flamand manœuvra de façon à se mettre en relation avec le représentant du gouvernement espagnol dans les Pays-Bas. C’était alors le comte de Monterey, fils du célèbre Louis de Haro. Déjà, antérieurement, Van den Enden avait adressé à ce personnage des lettres pleines d’adulations en vue d’obtenir de lui quelque emploi. Il lui offrit de nouveau ses services et finit par se faire accepter pour espion politique en France. Il prit en conséquence la résolution d’aller se fixer dans ce pays. Il quitta Amsterdam, y laissant les deux plus âgées de ses quatre filles, dont l’une épousa bientôt un médecin nommé Kerkerin. La mission que Van den Enden allait remplir devait avoir surtout pour objet d’observer la situation de la France et de s’y assurer la coopération d’un certain nombre de