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sa course. La profession maritime s’amoindrit ou disparaît ; à quoi bon des gabiers, puisqu’il n’y a plus de hunes ? Les marins ne sont plus que torpilleurs, canonniers ou mécaniciens. La marine aura désormais sa place toute trouvée au ministère de la guerre ; il suffira de créer une nouvelle division à la direction de l’artillerie ; de même qu’il y a l’artillerie de forteresse, il y aura l’artillerie de mer et l’artillerie de torpille. Telles seront les dénominations des deux sections dont se composera cette division nouvelle, dont le chef pourra être un général de flottille comme il y avait des généraux de galère. La 1re section, l’artillerie de mer, comprendra les canonnières, qui remplaceront les galères anciennes, la vapeur remplaçant le forçat ; la 2° section comprendra les torpilleurs : on ne saurait nier que la torpille ne soit en réalité une pièce d’artillerie, car toute matière explosible employée à la guerre entre dans le domaine de cette arme. En ce qui concerne les mécaniciens et les équipages, ils formeront une spécialité semblable au train de l’artillerie et des équipages militaires ; ceux-ci conduisent des caissons et des voitures, ceux-là conduiront les torpilleurs, les canonnières et les machines de ces bateaux.

Mettons donc notre établissement naval en rapport avec les conditions nouvelles que l’introduction de la torpille automobile a créées, dites-vous, pour les marines militaires ; mettons courageusement en pratique les principes exposés dans la Réforme de la marine ; ne nous laissons pas entraver par l’indolence ou la timidité des officiers généraux ou supérieurs routiniers, dont l’esprit terre à terre ne peut s’élever jusqu’à la hauteur de vues nécessaire pour pénétrer les horizons de l’avenir ; mais soyons logiques, ne nous arrêtons pas à moitié chemin. Après avoir réalisé d’énormes économies en réduisant notre personnel au nécessaire, réalisons-en de plus considérables encore en nous défaisant de tout ce qui va nous devenir inutile ; vendons à l’encan notre magnifique matériel naval ; vendons le bel immeuble de la rue Royale, qui sera avantageusement remplacé par un des bureaux de l’hôtel de la rue Saint-Dominique ; vendons nos préfectures maritimes, où il n’y aura plus d’amiraux à loger ; désaffectons, c’est le mot du moment, désaffectons nos vastes arsenaux, convertissons-les en écoles, c’est le grand mot du jour, n’en conservons que la petite partie nécessaire à la construction de nos flottilles ; nous pourrons du moins, par ces ressources, contribuer à établir l’équilibre du budget. La police des mers se fera bien toute seule, et, si la Chine prétendait un jour s’affranchir du traité de Tien-Tsin, nous lui enverrions nos torpilleurs.

Hâtons-nous de mettre en œuvre un programme si judicieux ; que le fil télégraphique porte vite aux confins de l’univers la grande