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certaines ; nous ne pouvons qu’indiquer les solutions provisoires vers lesquelles inclineraient les érudits compétens. On s’accorde en général à penser que les Hétéens n’étaient pas ce que l’on est convenu d’appeler des Sémites ; on les rattacherait plutôt à tout un groupe de tribus que l’on a parfois nommées proto-arméniennes, groupe qui serait descendu, par les hautes vallées du Tigre, de l’Euphrate et de l’Halys dans la Syrie septentrionale et sur le plateau de l’Asie-Mineure. Une de ces tribus, celle qui portait le nom de Hittim, aurait suivi les deux versans du Taurus, se serait, au nord, établie fortement dans la Cappadoce, et, au sud, glissée entre les Araméens de Damas, les Hébreux de la Palestine et les Phéniciens de la côte ; repoussant devant elle les Amorrhéens, cette nation aryenne aurait ainsi pénétré, comme un coin, dans le monde sémitique. On a émis l’idée que, dans sa marche vers l’ouest et vers le sud, ce peuple aurait commencé par faire en Cappadoce une station plus ou moins prolongée, y aurait inventé son écriture et sculpté ses premiers bas-reliefs.

Les indices que l’on a allégués en faveur de cette hypothèse sont bien légers ; il est plus vraisemblable que le goût d’une certaine culture ne s’est éveillé chez ces immigrans que sur le sol de la Syrie, quand ils se sont trouvés en contact avec des états qui avaient déjà un art et un alphabet. Mais les deux fractions de cette race serraient toujours restées en étroite relation l’une avec l’autre ; celle qui occupait la Cappadoce aurait aussitôt profité des progrès réalisés en Syrie, et, quand, de l’autre côté du Taurus, ses frères étaient menacés par l’Egypte, elle lui aurait apporté le concours de ses propres forces et celui des tribus d’outre-Halys, qu’elle s’était dès lors attachées et subordonnées. Il y aurait en ainsi une confédération hétéenne plutôt qu’un empire hétéen. On a peine à croire que les rois de Gargamich, qui avaient fort à faire avec leurs voisins, aient jamais été à même de conduire leurs armées à travers l’Asie-Mineure, et cependant on est tenté de voir les souvenirs et les témoins d’une conquête hétéenne dans ces guerriers dont l’image, sculptée à l’entrée des défilés, semble attester qu’ils les ont forcés et franchis en vainqueurs. N’est-ce pas ainsi que les conquérans égyptiens et assyriens ont laissé leur effigie et leur nom ciselés en Syrie, sur les rochers de la gorge du Lycus ou Nahr-el-Kelb ? Tout s’explique si l’on suppose des expéditions entreprises par les Hétéens occidentaux, par ceux de la Cappadoce. Ceux-ci étaient maîtres des gués de l’Halys, comme leurs frères l’étaient en Syrie de ceux de l’Euphrate ; ils avaient donc toute facilité pour envahir ces vastes plaines où ils ne rencontraient devant eux que des peuplades à demi sauvages, incapables d’opposer une résistance sérieuse à