chute de Gargamich retentit jusqu’en Judée. Isaïe exalte les triomphes de l’Assyrien, « qui est la verge du Seigneur. N’en a-t-il, pas été, s’écrie-t-il, de Calno comme de Gargamich ? N’en a-t-il pas été de Hamath comme d’Arpad ? N’en a-t-il pas été de Samarie comme de Damas[1] ? »
Gargamich ne périt pourtant pas ; grâce aux avantages de sa situation, elle eut bientôt repris son antique opulence. Incorporée à un grand empire, elle devint plus que jamais l’entrepôt principal de tout le commerce entre les pays riverains de la Méditerranée et l’Asie au-delà de l’Euphrate ; sa mine, le maneh de Gargamich, était, dans toute l’Asie antérieure, l’étalon de poids le plus usité ; mais le peuple qui avait fondé cette ville et qui l’avait si longtemps occupée n’est plus pour rien dans cette prospérité. Pisiris est le dernier fils de la race de Het dont nous sachions le nom ; avec lui et les bannis qui le suivent sur les chemins de l’exil, les Hétéens disparaissent de l’histoire.
Le peuple énergique et vaillant dont s’achevèrent ainsi les destinées est-il l’inventeur du système de signes dont les monumens ont été retrouvés pour la première fois au cœur de son territoire, à Hamath ? On ne saurait le démontrer, mais il est difficile de ne pas le croire. Point de voie par laquelle on puisse avoir quelque chance de remonter au-delà de cette race qui, vers le XVIe ou le XVe siècle, forme déjà, dans le nord de la Syrie, une masse assez compacte et assez fortement constituée pour tenir en échec tout l’effort de la valeur et de la discipline égyptiennes. Pour réussir dans cette entreprise, pour réunir en un seul faisceau, contre les conquérans thébains, toutes les forces de l’Asie occidentale, cette nation devait avoir les ressources d’esprit que suppose une création comme celle qu’on lui a attribuée. Dans cette contrée, vers le temps où commence à blanchir la première aube de l’histoire, pourrait-on indiquer un autre peuple qui ait joué un rôle comparable à celui des maîtres de Cadech et de Gargamich ? Il y a donc, en faveur des Hétéens, présomption et possession d’état.
Nous savons d’ailleurs, par les documens égyptiens, que les Khiti faisaient usage de l’écriture ; comme les pharaons, leurs princes avaient des scribes royaux, une chancellerie qui les suivait en campagne. Parmi les personnes de distinction que les Khiti perdent dans la bataille de Cadech, avec l’écuyer de Khitisar et le chef de ses eunuques, il y a Khalepsar, « l’écrivain des livres, » comme on
- ↑ Isaïe, X, 19.