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figure dans laquelle Hérodote croyait pouvoir reconnaître une image de son Sésostris. Sur la foi de l’historien grec, on avait voulu chercher là un cartouche de Ramsès ; mais Rosellini avait déclaré qu’Hérodote s’était trompé, que l’inscription n’était pas égyptienne ; M. Maspero était du même avis. Aujourd’hui que les monumens abondent, on a peine à comprendre qu’il y ait eu même un moment d’hésitation à ce sujet. Non-seulement parmi les hiéroglyphes hamathéens il y en a beaucoup qui ne se retrouvent pas en Égypte, mais encore, là où les mêmes objets sont représentés, l’aspect des images n’est pas le même ; elles ont ce que l’on peut appeler une autre physionomie. Une première différence, c’est que, sauf deux, toutes les inscriptions de la Syrie septentrionale et de l’Asie-Mineure sont gravées en relief, disposition qui ne se rencontre, en Égypte, que dans quelques textes des toutes premières dynasties. Ce qui est l’exception à Memphis est la règle à Gargamich, dans le bassin de l’Oronte et dans celui de l’Halys. Mais la diversité d’origine se marque surtout par le mode d’exécution, par le caractère du contour. Les hiéroglyphes égyptiens sont tracés d’une main plus fine et plus légère ; les autres ont toujours quelque chose d’un peu lourd et d’un peu rude ; on y sent l’œuvre d’une race moins familière avec les procédés du dessin. D’autre part, ceux-ci témoignent d’une moins longue pratique de l’écriture ; ils sont, si l’on peut ainsi parler, moins usés ; ils n’ont pas eu le temps de prendre, au cours des siècles, une forme aussi franchement conventionnelle ; la plupart d’entre eux ressemblent plus aux objets qu’ils figurent. Il en résulte que, malgré l’infériorité de l’art certaines de ces images ont une fidélité, un air de vie que ne présente aucune de celles dont se compose une inscription égyptienne ; voyez par exemple deux figures de lièvre, sur le flanc droit et sur la patte droite de ce lion de Marach, tout couvert d’écriture, dont notre musée ethnographique du Trocadéro possède le moulage[1] Ici le lièvre est en course, là il est au repos, assis sur son train de derrière ; mais, de part et d’autre, l’attitude est très bien saisie ; on dirait un dessin fait d’après nature. Même observation à propos des têtes de chèvre, de bélier, de bœuf et de cheval, à propos de ces bustes humains qui, le bras levé comme pour accompagner la parole, se trouvent presque toujours au commencement des inscriptions et semblent y remplir ainsi une fonction nettement déterminée. Dans toutes ces images on retrouve la trace d’une sorte de réalisme qui manque parfois d’adresse, mais qui reste toujours naïf et sincère. Ces inscriptions sont toujours réglées au moyen de lignes

  1. Wright, the Empire of the Hittites, pl. XXVI.