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M. Skene des fragmens qu’on lui montra parmi les restes de la vieille citadelle, qui domine encore de plus de trente mètres le cours du fleuve. Il y avait là des dalles et des fûts de basalte où l’on apercevait, à côté de sculptures qui rappelaient celles de l’Assyrie, des inscriptions du même type que celles d’Hamath. M. Skene émit l’idée que ce devait être là le site de Gargamich, ville souvent mentionnée dans les textes égyptiens et assyriens comme une place forte de première importance, qui commandait le cours moyen de l’Euphrate, et son opinion fut partagée par George Smith. Dans son troisième et dernier voyage, quelques semaines avant l’accès de fièvre dont il mourut à Alep, Smith était allé à Djerablus, d’où il avait écrit en Angleterre pour signaler l’intérêt que présenteraient des fouilles faites sur cet emplacement. Les trustees du Musée s’empressèrent de solliciter un firman à Constantinople et firent les fonds. Smith n’était plus ; M. Skene avait quitté Alep. Ce fut son successeur, M. Henderson, qui conduisit les travaux, et, pendant le cours des années suivantes, un certain nombre de monumens sortirent des tranchées de Djerablus et parvinrent au Musée britannique, où je les ai vus en 1880[1]. Quelques-uns, plus lourds ou moins intéressans, sont restés sur les lieux.

Au moment même où s’exécutaient ces fouilles de Djerablus, un autre voyageur anglais, M. Davis, appelait l’attention sur un bas-relief colossal, taillé dans le roc, dont il publiait un dessin, en 1876, dans les Transactions de la Société d’archéologie biblique. On y distinguait, à côté des deux personnages, du dieu et du roi ou du prêtre qui l’adore, des inscriptions où se retrouvaient plusieurs des signes que l’on connaissait par les pierres de Hamath, d’Alep et de Djerablus. Or, ce monument ne provenait plus, comme les précédens, de la Syrie septentrionale ; il avait été découvert en pleine Asie-Mineure, près du village d’Ibriz, dans l’ancienne Lycaonie, non loin du Kulek Boghaz, le défilé que les anciens appelaient les Portes Ciliciennes. Force était donc d’admettre que faire de cette écriture, si l’on peut ainsi parler, était bien plus étendue qu’on ne l’avait soupçonné tout d’abord ; de nouvelles observations vinrent forcer à l’agrandir encore. Avec la sculpture rupestre d’Ibriz, elle dépassait déjà le Taurus ; elle s’élargit bientôt et se prolongea, non-seulement sur tout le plateau central, mais même jusqu’à l’embouchure des fleuves qui se déversent dans la mer Egée. Pour s’en convaincre, on n’eut qu’à regarder de plus près, à la lumière des découvertes nouvelles, des monumens déjà connus, ceux de

  1. Ils sont figurés, à l’aide de la photographie, dans les planches VIII à XIII de Wright.