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morceaux de bois taillés en pointe, et tantôt frotter avec la brosse. Ce travail me prit deux jours entiers. J’achevais ma besogne quand mes hommes revinrent. Ils rapportaient de la pierre à plâtre, toute une charge de chameau ; il restait à la calciner et à la réduire en poudre ; nous n’eûmes pas de cesse que ces opérations ne fussent terminées. C’était en vain que le pacha, avec une obligeante insistance, nous proposait d’aller tirer la bécasse, chasser le sanglier ou attendre à l’affût la gazelle et l’outarde ; nous ne bougeâmes pas, M. Green et moi, avant d’avoir deux suites complètes d’excellens moulages en plâtre. Aussitôt que ceux-ci furent secs, nous les envoyâmes, par exprès, à Damas. De là, l’une des séries fut expédiée au gouvernement anglais, par le consul, pour être placée au Musée britannique ; à la demande de M. Tyrwhitt Drake, je fis cadeau de l’autre au Palestine Exploration Fund. Notre but était atteint ; quoi qu’il arrivât désormais, les savans de l’Europe avaient entre les mains des fac-similés qui valaient les originaux[1]. »

L’inscription du même genre, que l’on avait signalée à Alep, n’eut pas la même chance ; elle fut anéantie, comme nous l’avons raconté, en 1873. Au moins les médiocres copies que l’on en possédait suffisaient-elles à prouver que ce n’était pas seulement à Hamath qu’il fallait chercher les monumens de cette écriture[2]. Bientôt après, on les retrouvait plus à l’est, sur la frontière même de la Mésopotamie. En 1874 et 1875, M. Skene, consul de la Grande-Bretagne à Alep, visitait des ruines situées sur la rive droite de l’Euphrate, à six heures de marche en aval du village de Biredjik, qui figure sur les cartes. Ces ruines avaient été vues et décrites par Maundrell et Pococke ; plus récemment, d’autres voyageurs les avaient aperçues, mais on n’avait pas deviné ce que cachait le nom sous lequel les désignent les Arabes, celui de kalaat Djerablus, ou « forteresse de Djerablus. » Djerablus est, vraisemblablement, une corruption du grec Hiérapolis, la ville sainte, qui eut, à l’époque romaine, un des temples d’Astarté les plus célèbres et les plus fréquentés de la Syrie ; Lucien en a laissé une intéressante description dans son Traité de la déesse syrienne. Hiérapolis avait succédé à une ville plus ancienne ; c’est ce que prouvèrent à

  1. Les originaux n’ont pas été perdus. Transportés à Constantinople, ils avaient été déposés d’abord dans la cour de l’arsenal de Sainte-Irène, au Vieux-Sérail. En 1875, par les soins de Subhi-pacha, devenu ministre de l’instruction publique, ils furent transférés, avec tout le reste de la collection, dans le charmant édifice connu sous le nom de Tchinili-Kiosk. Voir S. Reinach, Catalogue du musée impérial d’antiquités, 1883, p. 83. (Wright, planches I-IV.)
  2. Ces copies ont été reproduites dans les planches V, VI, VII de l’ouvrage de M. Wright.