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d’ordonner une perquisition, de pénétrer chez eux à toute heure et de bouleverser leur maison. Y trouvait-on une canardière ou une poire à poudre, l’amende, la prison, le fouet, le pilori ! .. Un catholique n’a pas la permission de posséder un cheval qui vaille plus de cinq livres, et sa monture est au protestant qui en offre ce prix… » Tout cela n’est rien encore : voici qui est plus cruel. Il était interdit au catholique d’acheter de la terre ou de la recevoir soit par héritage, soit par donation. Tenancier, il ne pouvait contracter un bail dont la durée dépassât trente et un ans, dont le bénéfice net excédât le tiers de sa redevance. En cas de contravention à ces lois, la terre ou la ferme passait au dénonciateur. Ce n’est pas tout encore. La loi poursuivait le catholique jusque dans son foyer, offrant une prime à toutes les passions mauvaises, à l’épouse adultère, au fils dénaturé. Il suffisait à la femme d’un catholique de se dire protestante pour obtenir une portion de son bien ; il suffisait au fils aîné d’un catholique de se dire protestant pour devenir l’héritier de toute sa fortune et pour jouir immédiatement d’une part du revenu. Un catholique laissait-il des enfans mineurs, il avait, en mourant, le tourment inexprimable de savoir que leur tutelle appartiendrait à des protestans, dont le devoir serait de les faire élever dans la religion des oppresseurs. En un mot, le catholique irlandais n’existait plus devant la loi. Le chancelier Bowes et le chief-justice Robinson le dirent un jour nettement, en plein tribunal : That no such person was supposed to exist as an Irish catholic. La loi le connaissait seulement pour le punir.

Les évêques, les vicaires généraux, les hauts dignitaires de toute sorte, les moines de tout ordre, étaient proscrits. Défense, sous les peines les plus sévères, de leur donner asile. Ils étaient eux-mêmes passibles de la prison et du bannissement. Rentraient-ils dans le royaume, leur cas était assimilé à un cas de haute trahison. Ils devaient en conséquence être pendus, leurs entrailles arrachées, leurs membres coupés en quartiers. Quant aux simples prêtres de paroisse, on leur permettait de vivre à la condition de prêter un serment qui était en contradiction avec leur loi. Ils étaient inscrits comme des filles publiques, astreints à la surveillance comme des forçats libérés ou des repris de justice. Ils ne pouvaient ni dire la messe ailleurs que dans leur église, ni s’éloigner sans autorisation dans un rayon de plus de cinq milles. Comme il n’y avait plus d’évêques pour en ordonner de nouveaux, on calculait que, dans quarante ou cinquante ans, l’Irlande serait purgée du papisme. L’imagination des législateurs se mit en frais pour trouver des châtimens inédits contre les prêtres insermentés. La chambre des communes voulait les marquer au fer rouge sur la