tions. Le moment est arrivé où les prodigalités fastueuses ont conduit à la ruine, où toutes ces exaltations ont pris le caractère d’une irrémédiable démence qu’il n’y avait plus moyen de dissimuler, qu’on ne pouvait plus laisser à elle-même sans péril, et alors on a pris une grande résolution à Munich. On s’est décidé à livrer le souverain bavarois aux médecins et à constituer une régence. Exécuter cette décision n’était point encore chose facile. Louis II, qui était dans son château de Hohenschwangau, entouré de serviteurs fidèles accoutumés à ses caprices, au milieu d’une population pleine de pitié et de dévoûment pour son roi, paraissait d’abord disposé à résister et décrétait, à ce qu’il parait, tout le monde de haute trahison. Ce n’est pas sans peine et sans diplomatie qu’on est parvenu à pénétrer dans la mystérieuse résidence, à persuader au roi de se laisser conduire, dans l’intérêt de sa santé, au château de Berg, non loin de Munich, sur ce lac de Starnberg, où, il y a quelques années, il se plaisait à faire chanter la nuit les airs de Lohengrin. Le malheureux Louis II, dans l’égarement de sa raison, avait-il gardé assez de lucidité pour sentir l’humiliation qu’on lui infligeait ? Nourrissait il déjà quelque projet sinistre qu’il dissimulait ? Toujours est-il qu’ici le drame se précipite. Un des premiers soirs de son arrivée dans sa nouvelle résidence, Louis II a voulu aller à la promenade avec le médecin à qui il était confié, M. de Gudden, qui s’est laissé abuser par son apparente tranquillité et a consenti à éloigner tout gardien. Que s’est-il passé alors ? Le secret est resté au fond du lac de Starnberg, où l’on n’a plus retrouvé, peu d’heures après, que deux cadavres qui portaient les marques d’une lutte violente. Le drame a fini par un suicide, qui est un mystère de plus. Ce qui complète encore cette tragédie, c’est que le frère du malheureux Louis II, le prince Othon, appelé à recueillir la couronne, est lui-même atteint de démence depuis quelques années. C’est le troisième fou couronné après le roi Louis Ier, après celui qui vient de disparaître dans le lac de Starnberg, comme si la fatalité s’acharnait sur cette vieille famille des Wittelsbach. Othon reste roi néanmoins, protégé dans son droit héréditaire par une fiction, sous la régence du prince Luitpold, oncle des deux jeunes princes, qui vient d’être proclamé par les chambres bavaroises. C’est un nouveau règne qui commence sous de douloureux auspices pour la Bavière.
Ce tragique changement de règne aura-t-il pour conséquence un changement de politique à Munich ? Les affaires bavaroises sont sans doute depuis bien des années dans des conditions assez singulières. L’infortuné Louis II, sans se mêler beaucoup du gouvernement de son royaume, mettait une sorte d’orgueil à soutenir un ministère libéral dont le chef était et est encore M. de Lutz, contre les majorités conservatrices et catholiques de ses chambres. Par goût ou par un sentiment outré de sa prérogative souveraine, il se faisait un jeu de dédai-