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Le parti des patriotes, qui se constitua en 1866, se proposait à la fois de défendre l’autonomie bavaroise contre les ambitions prussiennes et de protéger contre les envahissemens de l’autorité civile les franchises et les prérogatives de l’église. Ce parti, aussi catholique que patriote, possédait et possède encore la majorité dans les chambres, et, depuis 1871, il s’est épuisé en vains efforts pour renverser le ministère et se débarrasser de M. de Lutz. Derrière le ministre il y avait un roi ; dans l’intérêt de son repos, ce roi voulait garder son ministre, et on n’a pas facilement raison de l’obstination d’un esprit faible.

En Bavière, comme dans toutes les monarchies allemandes, c’est un principe de droit public que l’existence d’un cabinet ne dépend pas des votes d’une chambre, que le souverain choisit ses ministres à sa guise et ne les renvoie que lorsqu’ils ont perdu sa confiance ou sa faveur. Louis II n’admettait pas qu’un roi qui se respecte transigeât sur cet article. En vain les ultramontains de l’extrême droite accusaient-ils ses conseillers de faire l’œuvre du diable ; en vain, dans un mandement qui fit du bruit, l’archevêque de Munich regrettait-il les temps où la Bavière était gouvernée par de vrais fils de l’église. Le roi n’entendait rien ou affectait de ne pas entendre.

On se plaignait qu’il ménageât les vieux catholiques et qu’il eût décoré le grand hérésiarque Döllinger. On se plaignait qu’il nommât aux évêchés vacans des prélats d’une autorité et d’un zèle douteux, et qu’il procédât à ses choix sans se mettre en peine d’obtenir l’agrément du Vatican. On se plaignait encore que, par son ordre, la municipalité de la capitale eût interdit de célébrer par des processions publiques le jubilé du pape Pie IX, qui avait traité d’Attila le chancelier de l’empire allemand. Mais ce qu’on lui reprochait surtout, c’était son attachement à ses ministres. En 1875, la seconde chambre eut l’audace de lui envoyer une adresse pour solliciter respectueusement leur renvoi. Les ministres offrirent leur démission, il la refusa et leur écrivit : « A moi seul appartient le droit de nommer librement les conseillers de la couronne. Vous avez ma confiance ; je vous enjoins de rester à votre poste et de faire connaître ma volonté à mon peuple. » Il ordonna que sa déclaration fût imprimée, tirée à près de neuf mille exemplaires, affichée dans toutes les communes et qu’on fixât un dimanche pour en donner lecture aux paysans à la sortie du service divin. En même temps il écrivait à la chambre : « Je n’ai aucune raison d’accepter votre adresse. Au surplus, le langage qu’ont tenu quelques-uns de vos orateurs m’a vivement mécontenté. J’en donne avis à votre président. » Cinq ans plus tard, M. de Lutz, ministre de l’instruction publique et des cultes depuis 1871, devenait président du conseil, et en 1883, il était nommé baron du royaume.