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graveurs habiles qui tour à tour manient le burin, la pointe sèche, l’eau-forte, combinent parfois ces divers procédés pour obtenir des effets piquans et nouveaux, devient chaque jour plus considérable. Ce sont eux qui apportent, à l’occasion, le concours le plus précieux à l’illustration du livre, cette forme d’art si française, naguère trop négligée, qui, depuis quelques années, semble reprendre une faveur légitime. Il est impossible d’étudier en détail cette incessante et énorme production, mais nous devons citer au moins le nom de ceux qui y réussissent le mieux, ceux de MM. Hédouin, Courtry, Gaujean, Brunet-Debaisnes, Champollion, Desboutin, Auguste Boulard, Le Coûteux, Greux, Lerat, Mongin, Mordant, etc. Parmi eux se distingue, avec son indépendance habituelle, M. Bracquemond. En traduisant la Rixe, de M. Meissonnier, il en a fait, avec un grand talent, une œuvre personnelle où l’accent souple et chaud d’une couleur inattendue est substitué à la précision vigoureuse et expressive du dessin nerveux qu’on admire tant dans le modèle. C’est presque une trahison envers le peintre, mais c’est une victoire pour le graveur. M. Sirouy reste plus soumis envers Eugène Delacroix que M. Bracquemond ne l’est envers M. Meissonnier. Ses Deux Foscari rendent, avec une exactitude émue, l’accent dramatique du tableau original. M. Sirouy garde encore le premier rang parmi nos lithographes.


II

La plus haute fonction de la sculpture, c’est de s’associer à l’architecture pour donner à un monument public toute sa signification intellectuelle. Les frontons et la frise du Parthénon, les portails de Chartres et de Reims, les tombeaux des Médicis, les bas-reliefs de l’Arc-de-Triomphe de l’Étoile apparaissent toujours, dans le passé, comme des réalisations de l’idéal le plus élevé auquel puisse aspirer l’imagination des sculpteurs. La gloire des grands hommes est d’ordinaire, avec l’idée religieuse ou morale, leur meilleure inspiratrice dans cet ordre de conceptions. Aussi n’est-il point surprenant que la mort de Victor Hugo ait excité quelques-uns d’entre eux à présenter, par une sorte de concours spontané, des projets pour le monument qui semble devoir lui être élevé dans l’édifice où sont déposées ses dépouilles. Dans la section d’architecture, on trouvait déjà des dessins de M. Charles Morice formulant des propositions de monumens funéraires pour le Panthéon. L’un d’eux, faisant face à un tombeau de Voltaire, est consacré à Victor Hugo. Le monument s’adosse à l’un des piliers du dôme ; il se compose d’un sarcophage élevé devant lequel se tiennent deux figures