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à des fantaisies de constructeurs. M. Gilis-Didot a même relevé dans l’Église de Bagneux (Allier) quelques vestiges de fresques du XIIe siècle, vestiges précieux par leur rareté pour l’histoire si obscure de la peinture à cette époque. L’église inachevée de Gallardon (Eure-et-Loir), où se coudoient, comme dans tant d’édifices du moyen âge, des morceaux d’époques diverses, a été pour M. Petit-Grand l’occasion d’un travail très soigné et très complet. Rien ne donne mieux l’idée des folies architecturales où se perdait à la fin l’imagination hasardeuse des constructeurs de la période flamboyante que cette abside gigantesque, d’une disproportion écrasante avec la nef ogivale et le portail roman qu’elle continue avec l’intention de les anéantir. L’amour exagéré des larges baies et des verrières immenses y supprime à peu près tous les appuis solides. Ce qui reste de piliers ne s’y soutient qu’à l’aide d’immenses contreforts évidés et anguleux comme les grandes pattes grêles et minces d’un faucheux. C’est bien la fin d’un art qui périt par l’excès de ses habiletés et par l’oubli des lois de la matière. On comprend, en voyant ces fantaisies périlleuses, combien la renaissance avec ces assises solides, ses divisions nettes, ses plates-bandes rassurantes, apportait de bon sens nécessaire avec elle, et l’on ne s’étonne pas que l’architecture religieuse elle-même ait dû se remettre entre ses mains, pour se sauver, au risque de perdre son originalité.

Il y eut, au commencement de la crise, depuis la fin du règne de Louis XI jusqu’au milieu du règne de François Ier environ, une longue série de tentatives raisonnées ou inconscientes pour transformer, sous le souffle nouveau, notre architecture civile sans la dénationaliser. Depuis quelques années, cette période attire avec justice l’attention des artistes. L’un de ses édifices les plus significatifs, l’Hôtel du Bourgthéroulde, à Rouen, a été, de la part de MM. Albert Lafon et Alexandre Marcel l’objet d’études que justifient suffisamment ses qualités charmantes. C’est plaisir de voir de près, dans leurs relevés, toute la gracieuse ornementation qui se déploie si délicatement sur les pilastres de la galerie et toutes les scènes naïves de la vie pastorale encastrées sur les tympans de la tourelle, sans parler des célèbres bas-reliefs où se déroule, avec un luxe étonnant de costumes, le magnifique cortège de l’Entrevue du camp du drap d’or. Certes, il est peu d’édifices de cette époque qui présentent un intérêt pareil à tous les points de vue ; c’est là un véritable monument historique dont peut s’enorgueillir une grande ville et qui semble tout préparé pour abriter des collections locales. Un travail comme celui de MM. Lafont et Marcel est bien fait pour en rehausser le prix et pour intéresser l’opinion publique à son bon entretien. On peut adresser les mêmes éloges à M. Baussan, qui nous montre une façade bien curieuse de la Maison d’Albert