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cachée, dans son étroit sanctuaire, l’idole antique et vénérée de Déméter, mais celle, plus large et plus ouverte, où se réunissait, pour les prières, la foule des initiés. Cet édifice affecte une forme oblongue ; il est précédé d’un portique. Un petit nombre de fragmens de colonnes, d’antes, d’architraves, retrouvés dans les débris, ont permis à M. Blavette de reconstituer, par une série de déductions ingénieuses, les deux ordres superposés avec une grande vraisemblance. Comme il arrive fréquemment, la décoration sculpturale et picturale n’a livré à ses investigations qu’un nombre bien plus insuffisant de vestiges. Sur ce point M. Blavette n’a pu procéder que par analogie en s’inspirant des monumens contemporains, sculptures, vases peints et gemmes. Ses hypothèses sont ingénieuses et brillantes, et l’on peut s’y plaire sans inconvénient, lorsqu’on s’est bien assuré que le fonds même de son travail, la restauration architecturale, repose sur un ensemble solide de recherches et de raisonnemens. La restauration d’Eleusis grossira avec profit cette magnifique collection de travaux poursuivis, dans ce même ordre d’idées, depuis le commencement du siècle, avec une conscience soutenue, par les pensionnaires de Rome. Cette collection unique au monde mériterait, comme celle des monumens historiques, la construction ou l’appropriation d’une galerie spéciale qui permît d’en exposer les principales pièces. Les admirables dessins exécutés soit d’après les monumens antiques, soit d’après ceux du moyen âge, que conservent dans leurs portefeuilles l’École nationale des Beaux-Arts et le service des Monumens historiques, se comptent aujourd’hui par milliers. C’est une histoire complète de l’architecture dans tout ce qu’elle présente d’intéressant, à notre point de vue national, soit comme relevé d’œuvres existantes, soit comme traditions d’enseignemens nécessaires. L’organisation d’un pareil musée contribuerait plus que toutes les conférences et toutes les théories à répandre, avec le goût de l’imagination architecturale, l’intelligence des principes et le respect des traditions. L’exposition universelle de 1889 ne serait-elle pas l’occasion naturelle de faire cette expérience et de rendre justice à cette longue activité ?

M. Paulin est un esprit de même ouverture que M. Blavette. Depuis qu’il a exposé sa magnifique restauration des Thermes de Dioclétien, il rappelle chaque année, par quelque étude sur le moyen âge byzantin ou italien, qu’il n’entend pas se confiner dans la décadence romaine. Il tient à ne pas se laisser oublier ; on ne peut lui en savoir mauvais gré. Cette fois il revient à ses Thermes de Dioclétien, dont il présente, dans de petites dimensions, une vue perspective extrêmement soignée, à laquelle il a donné un intérêt spécial en la peuplant de la foule ressuscitée des baigneurs et baigneuses, promeneurs, parasites, esclaves de l’ancienne Rome.