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la lutte pour l’existence, c’est malgré certaines réactions spéciales, et non à cause de ces réactions, que l’animal a pu triompher[1].

Quant aux cris poussés par les animaux effrayés, l’origine en est bien obscure encore. Il est possible qu’un cri brusque et retentissant surprenne l’animal qui attaque et permette ainsi à la victime de se dégager et de s’enfuir. Mais ce ne sont là en somme que des inductions, et il vaut mieux s’en tenir à la psychologie de l’homme, qui est fondée sur des bases plus solides, le témoignage de la conscience.


VIII.

Quelles sont les causes de la frayeur ? Autrement dit, quels sont les objets qui nous effraient, et dans quelles conditions ?

Il faut laisser de côté toutes les causes raisonnables et raisonnées de frayeur. Quand nous comprenons que la vie est menacée, notre peur est très explicable, et résulte de la connaissance même du danger présent. Un homme qu’on attache à la gueule d’un canon chargé éprouve certes une forte frayeur ; mais cette frayeur, très légitime, n’est pas naturelle, dans le sens zoologique du mot. Il a peur, parce qu’il sait que sa vie est en danger et que tout ce qui menace sa vie l’effraie ; mais c’est une peur réfléchie, raisonnée, intelligente.

Pour l’homme, c’est-à-dire le seul être dont l’intelligence soit capable de porter un jugement sur la cause des phénomènes, les peurs raisonnées sont la peur de la mort, la peur de la douleur, et la peur de la mésestime.

La peur de la mort est le sentiment le plus fort de tous les sentimens humains, et c’est à cet instinct que se ramènent tous les sentimens de frayeur, qu’ils soient consciens ou non.

Quant à la douleur, même quand elle n’est pas mortelle, elle est un motif de peur. Par exemple, la peur qu’inspire au patient une opération chirurgicale est très vive, très excusable aussi.

  1. Ce point exigerait de longs détails pour être discuté à fond. Les émotions, comme les instincts, sont aveugles ; et, pour être utiles en général, elles peuvent être, dans quelques cas spéciaux, tout à fait nuisibles.
    Par exemple, l’amertume des alcaloïdes, qui sont des poisons, est salutaire ; et cependant la quinine, d’une extrême amertume, peut guérir, mais, quelque utile qu’elle soit, elle paraîtra tout aussi amère au fiévreux qu’elle soulage qu’à l’individu sain qu’elle empoisonne. De même, quoique la peur soit une émotion salutaire protectrice, elle produit souvent des maladies nerveuses, assez graves, surtout chez les jeunes enfans. On en pourrait citer bien des exemples ; mais je ne saurais ici développer tout ce qu’on devrait dire de la peur, et je suis forcé de me limiter à une esquisse générale.