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torpille mouillée, dans les mêmes conditions, est dite également torpille électrique; elle est dite électro-automatique si l’électricité n’agit qu’au moment où il se produit contre le navire ennemi un choc qui ferme le circuit électrique; enfin, elle est dite automatique si le choc seul produit l’inflammation.

La torpille fixe est une arme purement défensive ; elle défend à l’ennemi l’accès des rades, ports, fleuves et les abords des côtes. Ces torpilles sont disposées à l’avance sur le fond ou mouillées dans les passes, dans un ordre et dans des dispositions déterminées. Les torpilles électriques sont manœuvrées de l’intérieur d’observatoires établis à terre et dissimulées dans les buissons ou dans les rochers du rivage afin que l’ennemi ne puisse les détruire à coups de canon. La seconde espèce de torpille est la torpille mobile, qui est abandonnée à la dérive au-dessus du vent ou du courant de la flotte ennemie et portée, par leur action, sur ses vaisseaux. Cette torpille est automatique, elle éclate en heurtant le navire. La troisième espèce de torpille est la torpille portative, qu’une embarcation porte au contact même du navire ennemi. On a créé dans ce dessein un genre spécial d’embarcation dite torpilleur (porte-torpille), mais le premier canot venu d’un bâtiment quelconque peut au besoin servir de torpilleur ; il suffit de le munir de l’installation nécessaire, laquelle est très simple. Tels sont les torpilleurs qui ont joué un rôle glorieux dans la dernière guerre qui a eu lieu entre les Turcs et les Russes, et entre nous et la Chine[1]. La torpille portée est à la torpille lancée ou automobile ce que le poignard est à la balle ; c’est une arme terrible et qui ne peut manquer son but si l’assaillant ne périt pas avant de l’atteindre, et il y risque toujours sa vie. L’homme qui tire sur son ennemi, fût-ce de très près, peut le manquer ; celui qui court à son rival, le prend corps à corps et lui plonge son fer dans la poitrine, l’atteindra sûrement s’il ne tombe lui-même mourant à ses pieds. Aussi je doute que l’attaque d’un semblable torpilleur puisse réussir contre des vaisseaux européens autrement qu’à la faveur de la nuit et par surprise ; ceux qui à Fou-Tchéou ont été, à la face du soleil et d’une flotte ennemie, porter leur engin contre le flanc de deux vaisseaux chinois, auraient péri sans doute s’ils avaient eu affaire à des vaisseaux anglais ou français; les boulets eussent criblé les torpilleurs, et les fusils, les mitrailleuses eussent frappé les hardis équipages. Les torpilles portées ne peuvent être utilisées que contre des navires au mouillage ou marchant lentement aux abords d’une rade.

La quatrième espèce de torpille est la torpille remorquée, qui

  1. A Fou-Tchéou, c’étaient des torpilleurs ; à Shei-Poo, c’étaient des canots du vaisseau le Bayard, installés en torpilleurs.