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maison située tout près de la porte de la ville. Je serais un ingrat si je n’envoyais pas un souvenir reconnaissant à ce déjeuner arrosé des meilleurs vins de Bourgogne. C’est là que j’ai fait la connaissance, entre autres mets excellens, de la truffe blanche du Maroc ; elle ne vaut pas, sans doute, la truffe noire d’Europe ; ce n’en est pas moins un véritable régal sur lequel j’écrirais une page émue si j’avais la plume de Brillat-Savarin.

Personne n’ignore que l’Arâïch est située tout près de l’ancienne Lixus et du jardin des Hespérides, dont M. Tissot a déterminé l’emplacement avec son admirable érudition. Mais, s’il reste encore des ruines de Lixus, ensevelies d’ailleurs sous la végétation, il ne reste, comme au temps de Pline, « du célèbre bois qui produisait les pommes d’or, que des oliviers sauvages ; » encore n’en suis-je pas bien sûr ; le temps m’ayant manqué, hélas ! à El-Arâïch pour faire de l’archéologie. J’ai dû laisser le passé pour observer uniquement le présent. « Par suite de sa configuration, a dit M. Tissot, la côte occidentale du Maroc n’a jamais possédé de ports proprement dits : exposée aux vents dominans du nord-ouest et du sud-ouest, elle ne présente aucune saillie assez considérable, aucune découpure assez profonde pour fournir un mouillage réellement abrité. Tanger, Azîla, Dar-el-Beïda, Masagan, Asfi, Mogador ne sont ou n’ont jamais été que des rades foraines. El-Arâïch, Medhîa, Sla, Azemmour, situées à l’embouchure de grands cours d’eau, possédaient seuls autrefois de véritables refuges formés par les profonds estuaires du Loukkos, du Sbou, du Bou-Ragrag et de l’Oum-er-Rbia. Les estuaires toutefois se sont ensablés avec le temps et présentent aujourd’hui ou des barres à peu près infranchissables, comme celles de l’Oum-er-Rbia et du Sbou ou des passes de plus en plus difficiles à franchir, comme celles du Loukkos et du Bou-Ragrag[1]. » Si difficiles qu’elles soient à franchir, les barres du Loukkos et du Bou-Ragrag permettent cependant aux navires de pénétrer dans ces deux fleuves, dont l’embouchure forme deux ports fréquentés. El-Arâîch sur la rive gauche du Loukkos, Rbat’, sur la rive gauche du Bou-Ragrag, ont une grande importance commerciale. La population d’El-Arâïch s’élève à 5,000 habitans, dont 50 Européens. Son commerce varie beaucoup suivant les récoltes. Le nombre de ses entrées peut aller de dix à cent, mais les plus grands voiliers qui franchissent la barre ne dépassent pas 120 tonneaux. Les articles d’exportation sont les laines, les fèves, les pois chiches, l’alpiste, les lentilles, un peu de graine de lin, les peaux de chèvre et de mouton, un peu de poil de chèvre, de savon minéral et de latanier. Presque toutes les laines vont en France. Elles sont d’excellente

  1. Recherches sur la géographie comparée de la Mauritanie Tingitane.