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capable de lutter contre les forces de l’administration et de la franc-maçonnerie ; il voit dans le clergé un adversaire politique, auquel le parti conservateur doit le plus grand nombre de ses nominations. On fait la guerre aux prêtres, on suspend leurs traitemens par les mêmes raisons qui ont amené l’épuration de la magistrature et des administrations; on veut partout avoir des créatures, et comme une carrière d’abnégation et de dévoûment tente moins les agens électoraux que les recettes buralistes, les justices de paix, les perceptions, on ne songe pas à épurer les prêtres ; on se contente de suspendre leur traitement en attendant de le supprimer. La préoccupation électorale qui domine tout à cette heure abaisse toutes choses ; pour elle, tout se réduit à une question de majorité au scrutin. Pour juger une guerre, pour se prononcer sur la religion, pour décider des mesures financières ou économiques, on ne cherche pas ce qui est juste ou favorable à la grandeur du pays ; on cherche plutôt ce qui peut assurer la majorité au prochain scrutin! Le clergé est bien peu de ce temps; pourquoi ne suit-il pas l’exemple de ces fougueux démagogues, jadis bonapartistes ardens, naguère opportunistes dévoués, aujourd’hui radicaux fervens, n’ayant, du reste, jamais changé d’opinion ni de maître, ayant toujours adoré et servi le succès? Si le clergé, entraîné par le noble exemple de ces flatteurs du peuple, dont la servilité dépasse le zèle des courtisans de Louis XIV et de Napoléon Ier, consentait à patronner aux prochaines élections les listes républicaines, il verrait bientôt doubler le budget des cultes.

J’arrive à la troisième question qui a joué un rôle dans les élections d’octobre. Je veux parler de la gestion financière et de la situation économique du pays. Si on examine la trésorerie de l’état, on peut louer sur ce point les projets du ministère. La dette flottante était considérable, elle était exigible à des époques rapprochées; ces échéances pouvaient arriver dans un moment où le crédit serait resserré. On a proposé d’affranchir l’état de ces remboursemens en substituant une dette perpétuelle à une dette exigible ; la prudence la plus vulgaire conseillait cette mesure, puisque, sans augmenter la somme des intérêts à servir, on supprimait le péril que pouvaient entraîner des remboursemens au moment d’une crise. Cette opération n’est qu’une simple conversion de dette; elle ne crée aucun nouveau passif, elle se borne à assurer une pleine sécurité au débiteur, c’est-à-dire à l’état ; une pareille mesure n’aurait dû rencontrer aucun contradicteur; tous les financiers du parlement auraient dû l’approuver, non pas seulement pour 500 millions, mais bien pour un milliard. En effet, s’il était urgent de faire disparaître les bons du trésor et les autres créances dont les échéances arrivaient à des dates rapprochées, il