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commission municipale, j’aurais accepté sans hésiter, dans l’espérance et dans l’intention de concourir à maintenir cette commission dans les limites de son véritable caractère, et de travailler avec elle à la réconciliation des pouvoirs publics ; mais, dans aucun cas, je n’aurais consenti à devenir, en temps de révolution, l’exécuteur aveugle et bénévole de résolutions prises sans que j’eusse voix au chapitre, à plus forte raison ne pouvais-je accepter un pareil rôle quand l’Hôtel de Ville était devenu le quartier général de l’insurrection ; quand la commission municipale en était devenue la tête et le bras, se livrant à des actes auxquels le comte de Lobau refusait sa signature et au pied desquels M. Casimir Perier faisait biffer la sienne.

Je rencontrai dans la soirée le général Sébastiani. Il m’apprit que la commission nommée par la réunion des députés s’était présentée au Palais-Royal, et n’y ayant pas trouvé le prince, lui avait expédié un officier de sa maison, lequel devait rapporter la réponse dans la soirée chez M. Laffitte. Il m’exprima le désir devoir les gens de bien, les gens sensés, se rapprocher du lieutenant-général si tant était qu’il déférât à l’invitation ; sa mission était difficile et périlleuse, il était du devoir de tous les bons citoyens de l’y assister. J’entrai volontiers dans son idée, et promis de faire de mon mieux si l’occasion s’en présentait.

Le messager revint à huit heures, le prince, sans s’engager à rien, promit de venir à Paris le lendemain matin. « Ce n’est pas demain, lui écrivit sur-le-champ M. Laffitte; c’est aujourd’hui, c’est tout à l’heure, où tout est à vau-l’eau. »

Le messager repartit ; à minuit, il n’était pas de retour. « Demain, que nous arrivera-t-il ? dit Benjamin Constant à M. Laffitte en le quittant. — Demain, répondit celui-ci, nous serons perdus. »

Il était dix heures quand M. le duc d’Orléans reçut à Neuilly le second message de M. Laffitte. Il se mit en route accompagné de deux de ses aides-de-camp, le général Heymer et le colonel de Berthois, entra dans Paris, à pied, en habit de campagne, et, parvenu au Palais-Royal, fit prévenir de son arrivée M. Laffitte et le général La Fayette, et prier M. de Mortemart de venir le trouver sur-le-champ. M. de Mortemart s’empressa de déférer à cette invitation ; il trouva le prince à demi déshabillé, à demi couché sur un grabat dans les combles du Palais-Royal. Leur entrevue fut sincère et cordiale. Le prince lui raconta ce qu’il avait fait pour éviter de devenir un instrument entre les mains de l’un ou l’autre parti, celui des ordonnances et celui de l’émeute. Il lui exposa sa position, en lui protestant, ce qui était parfaitement vrai, qu’il n’avait d’engagement envers personne, et qu’il n’avait ni le dessein ni le désir d’en tirer parti. En lui faisant connaître l’invitation à lui adressée par la