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contenu à la foule assemblée, laquelle couvrit de huées et d’imprécations le message et le messager. M. de La Fayette le fit conduire ensuite, non sans péril, à la commission municipale, qui refusa net, par l’organe impérieux de M. Audry de Puyraveau, de rien recevoir de sa main. Revenu, non sans péril encore, à M. de La Fayette, il en obtint la promesse de faire parvenir officieusement à M. le général Gérard l’ordonnance qui le nommait ministre de la guerre ; M. de La Fayette lui remit, en outre, une lettre personnelle pour M. de Mortemart, lettre polie, adroite, évasive, où perçait un peu d’ironie. C’était une réponse à la lettre particulière que M. de Mortemart lui avait fait remettre en compagnie des ordonnances.

Ce ne fut que vers sept heures du soir que le pauvre M. Colin de Sussy nous revint avec ce léger bagage; nous nous séparâmes après l’avoir entendu. M. de Mortemart, rentré chez lui pour y prendre un peu de repos, y fut assailli par une escouade d’hommes armés, mis en humeur par la lecture des ordonnances à l’Hôtel de Ville, et qui forcèrent sa porte pour lui faire un mauvais parti. Il n’eut que le temps de se réfugier au Luxembourg sous un costume emprunté ; on l’y logea tant bien que mal dans une cachette ; il fallut parlementer toute la nuit pour éviter la visite domiciliaire.

En rentrant chez moi de bonne heure, j’appris que plusieurs personnes s’étaient présentées, au nom de la commission municipale, ou du ministère de l’intérieur, je ne sais lequel, et ne m’ayant pas trouvé, avaient laissé le document tel quel dont j’ai conservé l’original :


« 30 juillet 1830.

« La commission municipale arrête :

« M. le duc de Broglie est nommé commissaire provisoire au département de l’intérieur.

« Signé : LOBAU.

« AUDRY DE PUYRAVEAU, DE SCHONEN, MAUGUIN. »

« Pour ampliation :

« Le Secrétaire de la Commune,

« AYLIE. »


Je ne répondis point à cette missive, et je recommandai, si les mêmes personnes se présentaient de nouveau, de répondre que j’étais absent ; j’écrivis, en même temps, à M. Casimir Perier pour m’en expliquer personnellement avec lui.

Si, le 28, la réunion Laffitte m’avait désigné pour faire partie de la